Les adolescents peuvent lire d'épais romans s'ils sont de bonne qualité. Et celui-ci l'est.

Le Gendre - Mosa Wosa - Livres jeunesse
Article Original
Avec ce roman qui se termine sur un événement que le début ne pouvait laisser entrevoir, Nathalie Le Gendre confirme ce qu'on savait déja, qu'elle sait raconter une histoire et qu'elle ne dédaigne pas de bousculer son lecteur.
Évidemment, on aura de la sympathie pour Mosa, le jeune Indien qui vit heureux en harmonie avec la nature et son peuple. De même qu'on sera sensible à la détermination rebelle de Stenatliha, la jeune fille qui défie d'obsolètes traditions sexistes de son peuple en voulant devenir femme-médecine et vivre seule dans son tipi (même si on devra faire un petit effort pour ne pas trouver là un féminisme pas très utile à l'intrigue !). On appréciera que les adolescents soient moins angoissés que leur père Blanc qui ne sait comment démêler les fils de cette situation incongrue et qui ne sait pas dire ses sentiments à ses enfants. Et on aura naturellement du dégoût pour le Wosa de la TechnoCi_T, un adolescent odieux qui se laisse malmener par une bande de skins. Un xénophobe habité par la haine et soumis à la maldie qui le ronge.
La description de la vie de la tribu indienne offre une arrière-plan original à l'histoire. De nombreux sujets sont abordés : les conséquences de l'imprévoyance des humains, les risques du clonage, le racisme, la liberté et le courage, la force des traditions. Alors qu'on pourrait craindre que le roman soit un patchwork, il est tout le contraire, un ensemble bien agencé et harmonieux. L'émotion est au rendez-vous avec des personnages qui ne sont jamais insignifiants, amis plutôt déroutants dans leur façon de ne pas être tels qu'on les attend.

Si la fin est infiniment triste -pour nous, lecteurs Blancs- le roman est cependant une belle leçon de vie : Qu'est-elle sans la mort ? La mort est-elle une fin de vie ou un moment de la vie ? Peut-on vivre sans la rage de vivre ? Sans désir ? Sans combattre ? Sans soufrir ? Sans aimer ? Sans accepter le meilleur et le moins bon de la vie ? Et que serait-elle sans la responsabilité de soi et d'autrui ?

Ce livre aurait mérité d'être beaucoup plus long. L'auteur aurait pu étoffer ses personnages, sa description de la culture indienne et épaissir les élements de science-fiction. Je reste sur ma faim de ne pas avoir pu vraiment me perdre dans la TechnoCi_T, de ne pas avoir éprouvé la tristesse [...], de ne pas avoir pu pénétrer la vision de Stenatliha dans la tente de sudation, de ne pas avoir ressenti la transe de Mosa pendant la Danse du Soleil... Les adolescents peuvent lire d'épais romans s'ils sont de bonne qualité. Et celui-ci l'est.

Ne pas prendre prétexte de cette réserve pour s'éviter de conseiller chaleureusement ce roman à des lecteurs dès 12-13 ans.

Jean Tanguy - 02 juin 2005

Publié le 29 avril 2015

à propos de la même œuvre