"L’ère chinoise choisie est passionnante : j’ai été transportée dans un nouveau monde, riche, sublime mais aussi fragile et sur le déclin."

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Ren Daiyan est fils d’archiviste et rêve de victoires à venir, Lin Shan répond au raffinement culturelle de son pays… si l’on met de côté son indépendance si marquée. Alors qu’elle était reconnue pour sa grandeur, la Kitai sous la férule de l’empereur Wenzong est bien chancelante : les quatorze préfectures cédées aux barbares des steppes pourront-elles un jour être récupérées ? Un empire puissant et surprenant, qui maintenant vacille sous les étoiles du Fleuve céleste.

La Kitai a toujours été un parangon de la culture sophistiquée. Malheureusement, depuis la perte des quatorze circonscriptions abandonnées au nouvel empire des barbares, la Kitai n’a plus le même rayonnement. C’est une civilisation tout en émerveillements et en contradictions qui tente de trouver maintenant un équilibre.

Guy Gavriel Kay nous propose l’époque de la Dynastie des Song comme période historique teintée de surnaturel dans laquelle développer son histoire. L’ère chinoise choisie est passionnante : j’ai été transportée dans un nouveau monde, riche, sublime mais aussi fragile et sur le déclin.

Deux protagonistes peuplent les pages : il y a Ren Daiyan, un jeune qui choisira la voie du banditisme avant de devenir un général de l’empire ; et Lin Shan, une jeune femme bien née mais qui a été élevée de manière peu conventionnelle, sensible et trop indépendante pour la Cour impériale. Leur portrait est saisissant car l’auteur a pris soin de tout détailler : leurs objectifs, trajectoire, motivations et désillusions.

Même les personnages qui n’apparaissent que pour quelques pages bénéficient d’une histoire propre. Ce ne sont pas de simples soldats de plomb car ils prennent part aux actions avec les protagonistes. Je peux également souligner le courage des personnages dans leurs prises de parole et de positions.

Certaines personnalités s’inspirent d’individus ayant existé et d’autres sont entièrement nés de l’imagination de l’auteur. Le soin apporté aux personnages principaux et secondaires est admirable. J’avoue pourtant être un tantinet irritée par les statuts d’Héros-avec-un-H-majuscule de Ren et de quasiment-plante-verte que Lin incarne de plus en plus au fil des pages.

Il est à noter que cette histoire est richement documentée et élaborée. L’arrière-plan de l’histoire est minutieux ; le contexte politique solidement planté. C’est sans aucun doute la raison pour laquelle le début du roman m’a semblé un peu long à se mettre en place.

Le rythme est cadencé et sans à-coups. La lecture est à éviter si le lecteur a un besoin de rythme effréné et émaillé de rebondissements et d’actions. L’histoire est exigeante et demande un peu de concentration pour profiter des subtilités agrémentant l’ensemble du livre.

Le double point de vue semble primordial pour implanter une tension dramatique et distiller des émotions. Ces dernières se nourrissent d’une mélancolie assez forte qui parfume le roman, un effet doux-amer que l’on peut croiser dans d’autres livres de l’auteur. Entre le tempo régulier et l’écriture envoûtante, une certaine majesté se dégage du récit.

Si Le Fleuve céleste reste une belle aventure j’avoue qu’il n’a, à mes yeux, pas le même éclat que les précédents romans de Guy Gavriel Kay. Annoncé comme le second tome du diptyque « Sous le ciel » (soit l’histoire de la Kitai), j’estime qu’il est tout à fait possible de le lire de manière indépendante car il se déroule 300 ans après les derniers événements relatés des Chevaux célestes.

Avant lecture, je voyais des coquelicots en ces fleurs « vaporeuses » illustrées par Raphaël Defossez sur la couverture ; il s’agit en réalité de pivoines, les fleurs royales.

Publié le 5 février 2020

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