Si certains auteurs creusent inlassablement un même sillon et situent toutes leurs intrigues dans un même périmètre, Kenan Görgün est plutôt du genre à nous embarquer pour un nouveau territoire avec chaque roman. Après Molenbeek dans Le second disciple, nous voici à New York aux côtés de Stanley, écrivain en perpétuel devenir, et Susannah, son épouse, brillante patronne d’un bureau d’architecture. Pour la Saint Valentin, Stan a mis les petits plats dans les grands, histoire de reséduire une femme qu’il sent s’éloigner petit à petit. Et cela marche, mieux même qu’il ne l’espérait, la soirée se terminant par une scène torride dont l’auteur ne nous épargne rien. Une seule chose cloche. Stan a fait tout cela pour une seule raison : se débarrasser de son épouse en la poussant sous une énorme Dodge noire qui n’attendait que son signal. Dès le chapitre suivant, la police et les familles respectives (qui ne se sont jamais vues) débarquent et entourent Stan de multiples façons. Lui joue à merveille le pauvre type anéanti par ce qu’il lui arrive. Et d’une certaine façon, il l’est vraiment. Car s’il n’a jamais vraiment réussi à écrire la moindre ligne de son futur grand roman, il n’a pas son pareil pour se fourrer dans les ennuis. Et cette fois plus que jamais. Car Susan n’est pas morte mais juste dans le coma. Et ça risque de barder quand elle se réveillera. Entre familles toxiques et envahissantes, enquêteur sympathique mais soupçonneux, maîtresse amoureuse et enceinte, malfrats réclamant leur dû et victime en sursis, Stan ne sait plus où donner de la tête et embarque le lecteur dans un drôle de polar, sorte de comédie noire amère où les surprises se succèdent ne laissant à Stan aucun répit...
Jean-Marie Wynants