En manque de boulot, un traducteur accepte de traduire un manuscrit
espagnol alors qu'il en maîtrise à peine la langue. Le manuscrit est
celui d'une expédition en Amérique du sud menée par des prêtres
franciscains qui partent dans la jungle en compagnie de soldats à la
recherche d'une cité maya. Le récit envoûte rapidement le traducteur,
pendant qu'à l'extérieur le monde semble être en train de se désagréger.
Sumerki,
crépuscule en russe, est un étrange roman qui se passe à la fois dans
un Moscou contemporain et dans le Yucatan du XVIe siècle, qui arrive à
être un roman intimiste et un roman apocalyptique, une sorte de
thriller et un bien étrange roman fantastique. Les tons et les
histoires se mélangent donc pour donner une atmosphère sombre et
poisseuse avec beaucoup de noirceur et de pessimisme.
Une grande
partie du récit se déroule ainsi dans l'appartement de Dmitry
Alexeïevitch, le traducteur, qui va se retrouver rapidement attrapé par
le récit, retournant sans cesse à son agence pour en trouver les
nouveaux chapitres qu'on ne lui donne qu'au compte-goutte, probablement
à cause de la disparition du précédent traducteur. Si le récit semble
vraiment d'époque, le traducteur croit tout d'abord à une sorte de
canular.
À l'extérieur, ou plutôt à la radio, il apprend que de
nombreuses catastrophes touchent différent lieux du globe et plus la
traduction progresse, plus elles semblent se produire et se rapprocher.
Le récit est celui d'une expédition qui semble maudite, faute du
diable pour les chrétiens qui la mènent, mais pour les guides locaux,
c'est un tout autre genre de malédiction qui semble être à l'oeuvre
dans la forêt.
Le côté thriller est très en retrait, comme le côté
fantastique d'ailleurs et prennent donc leur temps pour arriver dans
l'histoire. Déjà l'apocalypse semble se dérouler ailleurs et même loin
puisqu'uniquement relatée à travers un poste de radio et l'intrigue
prend ensuite son temps pour vraiment s'intéresser à la disparition du
premier traducteur, jusqu'à ce que les meurtres semblent s'enchaîner un
peu plus vite.
Sumerki est donc un roman qui prend son temps,
préfère installer une ambiance malsaine, faisant du manuscrit une
véritable drogue pour le traducteur, comme si sa traduction était une
urgence alors que le monde s'écroule. Les événements semble ainsi être
liés alors que des siècles et même un océan les séparent. La réponse à
tout cela sera incroyablement noir, effrayante et sans complaisance
pour l'humanité à la fois victime et coupable.
L'aspect fantastique
sera le plus perturbant, mais amènera également un superbe mise en
abyme, offrant un final surprenant à son histoire et l'amenant là où on
ne l'attendait vraiment pas. Sumerki se joue ainsi des genres, ne les
utilisant que de manière détournée pour livrer un roman qu'on pourrait
presque qualifier d'initiatique à cause de l'étrange chemin parcouru
par son héros, découvrant
L'apocalypse n'a jamais été conté
ainsi, nous plongeant dans un quotidien triste dans un Moscou froid et
tentaculaire opposé à une jungle chaude et luxuriante, mais qui se
ressemble beaucoup avec ses deux narrateurs, le traducteur et le moine,
qui semble subir le même type de crise et de cauchemar. C'est donc un
récit étrange, dérangeant et parfois fascinant que L'Atalante et Dmitry
Glukhovsky publie ici.
Stegg