L'ensemble de cette série est tout bonnement magistral. À présent qu'elle est close, rien n'empêche de partir à la découverte de ce récit fascinant, haletant dont l'imagination n'a d'égale que la virtuosité de conteur de Pierre Bordage.

Les Chroniques de l'Imaginaire

La chaîne pancatvique a été reconstituée et frère Elthor, le premier maillon doit se rendre dans les Nuages de Majdan afin de combattre la nuée qui menace d'engloutir la Voie Lactée. Se pose inévitablement la question d'un moyen de transport suffisamment rapide pour atteindre cette destination dans les plus brefs délais. Il se met alors en quête du vaisseau qui lui permettra de quitter TarzHel parce que l'appel de la Fraternité s'est fait pressant étant donné l'urgence de la situation. La seconde difficulté à prendre en compte, c'est qu'il lui est impossible de se fier à quiconque. Elthor a, en effet, été averti par les âmes logées dans ses implants qu'il va devoir faire preuve de méfiance parce qu'il est évident que plusieurs ennemis vont tenter de stopper sa progression. Il sait aussi que ses poursuivants sont extrêmement dangereux et pugnaces.

De son côté, sur NeoTierra, Xéline, jeune médialiste mandatée par JiLi, est chargée d'infiltrer le gouvernement pour faire en sorte que la menace de destruction prochaine soit finalement prise au sérieux.

Enfin, voilà le dernier volet de la pentalogie de Pierre Bordage La Fraternité du Panca. Ce roman se déroule comme les autres à la notable différence qu'il s'agit cette fois d'enrayer la menace qui pèse sur l'espèce humaine et non plus de transmettre un implant. Jusqu'à présent, l'auteur se focalisait plus particulièrement sur le chargé de mission du Panca, son successeur voire sur ses ennemis, néanmoins ce livre se présente comme une véritable polyphonie. Bien entendu, frère Elthor demeure le fil rouge de cette aventure. En conséquence, ses péripéties sont logiquement au centre de cette histoire ; cependant plusieurs voix se font entendre et tous les propriétaires ont une façon personnelle d'envisager la proximité de la fin du monde.

En premier lieu, Elthor n'est jamais vraiment seul puisqu'il est accompagné en permanence de ses frères et sœurs. L'expérience de Kalkin par exemple lui est d'un grand secours pour trouver ce moment suspendu hors du temps appelé "vakou" qui permet de pouvoir anticiper les actions de l'ennemi ou encore de porter un regard lucide sur les événements sans se laisser submerger par les émotions.

On trouve également le point de vue de personnages plus inattendus comme un sâtnaga, qui voit dans la nuée la venue de son dieu et donc un accomplissement ou un médialiste célèbre qui se rend compte que ses désirs sont d'une vacuité confondante. Les voix ne sont pourtant pas toutes humaines. Elles prennent parfois l'aspect de chants, de sons lorsqu'elles proviennent des pentales, ces animaux primordiaux, mythiques, représentés sur l'arme des frères du Panca. Ces créatures fabuleuses font planer sur cette aventure une aura de quiétude, un sentiment de puissance immémoriale. Elles sont lumineuses, poétiques et on a du mal à les oublier après la fermeture de l'ouvrage. Ces intermèdes ont le mérite de proposer une vision différente de celle du héros, de montrer l'appréhension d'une perspective extrême sous des angles parfois antagonistes, de mettre en lumière des parcours de vie individuels.

Les protagonistes sont trop nombreux pour en faire une liste exhaustive, il paraît malgré tout intéressant de prendre plus précisément en considération la jolie Maliloa. Elthor ne peut s'empêcher d'être attiré par sa beauté, cependant, comme la chaleur de son cakra augmente en présence de la jeune femme, il n'ose pas lui faire confiance et préfère garder ses distances. Il découvrira pourtant qu'il n'est pas le seul à dissimuler un secret.

Dans ce livre, Pierre Bordage narre l'effondrement d'une civilisation. Suite à l'annonce de l'arrivée de la nuée destructrice, la violence et l'anarchie ont pris le dessus sur NeoTierra. Le vernis social des hommes a fondu comme neige au soleil, la plupart étant retournés à l'état de bête sauvage n'hésitant pas à tuer, à piller, à détruire alors même que l'espoir de survie a été anéanti. Une fois la menace confirmée, les comportements extrêmes, dont le lynchage fait partie, offrent un aspect sordide, sombre, inquiétant à l'œuvre comme si la civilisation n'était pas la vraie nature de l'homme et que le moindre incident suffisait à faire disparaître cet aspect policé, que l'être humain n'était rien de plus qu'un prédateur gouverné par la loi du plus fort dans un monde en déliquescence.

Ce dernier opus est vraiment palpitant, pas uniquement à cause du sort de l'humanité lié à la réussite d'Elthor mais également parce qu'on finit par s'attacher à chacun des personnages en présence et que tous nous donnent envie de poursuivre la lecture. L'écriture de Bordage est réellement passionnante, son style précis et élégant. Il sait ménager le suspens et il se dégage un véritable humanisme de son œuvre. La fin du monde agissant comme un révélateur, il est compliqué d'anticiper les réactions des protagonistes qui peuvent s'avérer très éloignées de l'image qu'ils projettent habituellement.

Il ménage aussi un certain mystère en n'apportant pas toutes les réponses attendues, que ce soit en ce qui concerne la Fraternité ou encore l'origine de cette force dévastatrice. Il pose également la question de la reconstruction : sachant que la civilisation est un échec, quelle solution peut-on proposer pour l'humanité en cas de survie?

L'ensemble de cette série est tout bonnement magistral. À présent qu'elle est close, rien n'empêche de partir à la découverte de ce récit fascinant, haletant dont l'imagination n'a d'égale que la virtuosité de conteur de Pierre Bordage.

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Les Chroniques de l'Imaginaire

Publié le 10 juillet 2012

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