Pierre Bordage y insuffle une véritable continuité pour poursuivre l’aventure et éclaircir certains pans narratifs laissés dans l’ombre.

Cité - Lavisqteam
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Avec les deux premiers tomes consacrés à l’univers de Metro 2033, Pierre Bordage effectuait une transposition notable de l’œuvre de Dmitri Glukhovski. Avancé comme une trilogie au cœur des souterrains parisiens, il en ressortait un cycle de science-fiction à la fois délétère et respectueux de l’histoire originelle. Toute la difficulté d’un triptyque tient à justifier l’intrigue et à maintenir son intérêt dans une ultime incursion. Conclusion de ce projet ambitieux, Cité marque le point d’orgue des périples de la Madone, de Juss et des autres protagonistes du métropolitain parisien. Un dernier tour d’horizon pour faire la lumière sur les zones d’ombre persistantes de ces méandres ténébreux…

Cité constitue l’aboutissement de ce qu’a pu avancer Rive Gauche et Rive Droite. À savoir, un univers post-apocalyptique où l’on pressent l’extension proche de l’espèce humaine, du moins tel qu’on la connaît. Au travers des deux premiers ouvrages, il en ressortait une incursion oppressante dans un cadre dénué de perspectives. Cela ne tient pas uniquement à cette obscurité omniprésente. Les conditions de vie, ainsi que la raréfaction des ressources, contribuent à exacerber les comportements et les tensions entre les métrolites, ainsi que les différentes factions. À bien des égards, le récit de Pierre Bordage interpelle sur sa manière d’exposer les errements d’une société amorphe, sinon agonisante.

Au vu de ce qui a été initié précédemment, Cité est une dernière partie qui marque le terme de parcours semés d’épreuves et de souffrances. La grande majorité de l’intrigue demeure dans les souterrains putrides de la capitale. On y retrouve cette atmosphère délictueuse où la loi du Talion prévaut. Cela ne vaut pas uniquement pour la faune sauvage ou la présence d’autochtones dans les stations les plus reculées, mais aussi aux inimitiés et aux antagonismes déjà évoqués jusqu’alors. Sans pour autant être linéaire, la trame suit un cheminement logique au regard des anciens évènements narrés. De même, on revient à un enchaînement de péripéties bien structuré, mais dénué de surprises.

Si l’on pouvait distinguer une ambiance moyenâgeuse dans les précédents volumes, cette impression est d’autant plus vivace dans le présent ouvrage. Cela ne tient pas uniquement à quelques références bien senties à Notre-Dame de Paris. On y remarque une propension évidente à exposer une régression tant sociétale qu’intellectuelle. La récurrence des actes sexuels, l’objetisation de la femme ou le refus de cohabiter avec les mutants (assimilables à des étrangers) sont autant d’exemples représentatifs d’un retour à l’âge des ténèbres. En guise de clin d’œil à l’œuvre de Victor Hugo, on pourrait presque croire à la résurgence d’une cour des miracles qui se serait exilée dans les bas-fonds de la capitale.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’incursion à la surface arrive sur le tard. [...] On apprécie ces descriptions sur cet écosystème développé sur les ruines de notre civilisation ou la présence de nouvelles espèces. Toutefois, cet élément reste survolé, car il est nécessaire de trouver une conclusion au projet de fédération de Madone, aux abus de pouvoir du pasteur Parn ou au périple de Plaisance et Juss. Ce n’est pas un mal ou un défaut. [...]

Au final, Cité constitue un dénouement de qualité pour cette trilogie alternative à Metro 2033. Pierre Bordage y insuffle une véritable continuité pour poursuivre l’aventure et éclaircir certains pans narratifs laissés dans l’ombre. On songe notamment aux évènements déclencheurs de la catastrophe ou à la période au cours de laquelle se déroule l’histoire. La démystification de ces composantes mystérieuses n’altère en rien l’aura ténébreuse qui entoure cette œuvre nihiliste au possible, et ce, en dépit de quelques lueurs d’espoir et de fréquentes allusions religieuses. Un périple de près de 1 500 pages (les 3 livres réunis) qui trouve ici son point culminant au travers d’un traitement profondément humain où les épreuves révèlent le meilleur comme le pire en tout un chacun.

Note : 15/20

Publié le 21 septembre 2022

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