Cité clôt le triptyque de Métro Paris 2033, l’aventure humaine souterraine arrive à son terme. 1 400 pages de bruits et de fureur, d’odeurs et de crasse, de ténèbres et de lumières vacillantes.
Trois romans qui n’en font qu’un, et qui ont permis à Pierre Bordage de scruter au plus près l’être humain dans ce qu’il peut être de pire, mais aussi de meilleur. Et tenter de comprendre. À défaut de sauver ?
Légende de la surface
Ce troisième roman est dans la directe continuité des deux précédents, avec les mêmes personnages.
L’environnement étant maintenant connu, rien ne ressemblant davantage à une galerie qu’une autre galerie. Les pièces sont en place depuis un moment, et durant un bon tiers du roman l’auteur ne fait que déplacer / replacer tous ses pions.
Une centaine de pages assez lentes, avant que l’ensemble ne se mette en branle à coups de stratégies politiques et militaires.
Après avoir eu pour seul but de survivre dans l’omniprésente obscurité, l’objectif suprême se dessine. Le dessein prend enfin forme : se rapprocher du mythe de la Cité, et de la légende de la surface.
Un troisième tome qui exacerbe tout ce que l’écrivain a développé durant ses centaines de pages précédentes, pour trouver un sens commun qui contrebalance la violence, la régression, la lutte du pouvoir.
L’appel d’air du huis clos
Et le rejet de la différence, puisque les Dvinns prennent toute leur importance ici, ces mutants capables (entre autres) d’avoir des visions, comme des scènes projetées, qui ne sont pas toujours claires à interpréter.
Le huis clos cherche un appel d’air pour chacun des personnages désormais bien connus, qu’ils se meuvent sur la rive Droite ou Gauche.
En interview, l’auteur dit se laisser porter par ses personnages, certains ayant pris une place et une direction non prévues au départ. Il n’empêche, la quête ultime les recadre. Et on voit à nouveau combien le récit était taillé sur mesure pour Pierre Bordage.
Victor Bordage
C’est vrai qu’il y a un peu de Victor Hugo dans cette fresque et dans la manière de la raconter. La quatrième de couverture le mentionne et l’auteur lui-même y fait référence dans ce troisième épisode. Du Hugo postapocalyptique et souvent bien plus cru, mais vous comprendrez que le parallèle fait sens.
En parlant de sens, pour pallier la vue, cette dystopie aura vraiment fait fonctionner les quatre autres. Le bouillonnement de bestialité et d’animalité demandait bien qu’on soit ouvert à toutes les sensations dans ce confinement.
Cette incroyable aventure humaine restera, malgré toute la noirceur et la violence, comme une ode aux valeurs de l’humanisme. Fidèle à lui-même, Pierre Bordage aura placé l’amour, la tolérance et l’entraide au-dessus de tout.
Pour un final qui achève avec brio cette épopée dans le ventre de Paris. Avec comme ligne de mire, le droit de Cité, le droit d’être humains, ensemble.
Yvan Fauth