Olivier Paquet dresse un univers riche, dense et travaillé, c’est très fouillé, très inventif, on sent toute l’imagination débordante et foisonnante de l’auteur à travers ces deux peuples que tout oppose à l’extrême, à tel point qu’ils finissent un peu par se ressembler et se rejoindre, les technologistes « s’écologisent » et les écologistes se « technologisent ».

Paquet - Jardin d'hiver - Songes d'une Walkyrie
Article Original
Jardin d’hiver, titre à la fois expressif et trompeur, contraste ou antagoniste, les mots jardin et hiver ne vont généralement pas de pair, et pourtant ce titre est très bien choisi, et il se comprend bien une fois le roman lu. Pourquoi je vous parle du titre ? Parce que c’est ce qui m’a interpellé, je trouvais l’expression belle, intrigante et j’avais bien envie de découvrir ce que cachait ce titre qui me parlait tant. Dans l’ensemble, je ne suis pas déçue du voyage et une nouvelle fois, je suis surprise par un roman de science – fiction qui est de loin le genre que normalement j’affectionne le moins. Parlons en ! […]

Olivier Paquet dresse un univers riche, dense et travaillé, c’est très fouillé, très inventif, on sent toute l’imagination débordante et foisonnante de l’auteur à travers ces deux peuples que tout oppose à l’extrême, à tel point qu’ils finissent un peu par se ressembler et se rejoindre, les technologistes « s’écologisent » et les écologistes se « technologisent ».  Il y a là un contexte géopolitique des plus intéressants, même si le Consortium a la part belle dans l’histoire, il faut dire que l’auteur nous régale d’inventions technologiques incroyables et les daemons sortent aisément du lot, ces pseudos animaux de compagnie sont un bijou de technologie, de véritables armes dangereuses sous des airs d’animaux tendres et affectueux. Il y a presque quelque chose de chimérique dans toute cette technologie. A travers tout ça, l’auteur pose évidemment des thèmes et ouvrent à la réflexion, d’un côté la technologie s’avère magnifique et indépendante, et nettement moins dangereuse seule que gouvernée par les hommes, d’un autre la nature, amadouée, transformée en arme, surexploitée par l’homme en perd toute son innocence et sa fraîcheur, là encore l’intervention humaine vient tout détruire, on y voit donc l’idée que l’intervention humaine est bien souvent plus néfaste que bénéfique sur l’un comme sur l’autre.

Du côté des personnages, Dévoreur est le héro du roman, toutefois s’il a quelque chose de profondément humain, un caractère plutôt bien dépeint et des interrogations propres à tous, il n’en manque pas moins de charisme et de nuances, une attitude immature, un peu trop spontanée, viennent entacher un potentiel énorme, car le personnage est surprenant, recèle bien des secrets et tente de se construire ou du moins se reconstruire à travers cette aventure, une quête d’identité perdue par ce « dévoreur » qu’il est devenu. Il perd aussi en saveur face à un autre personnage, Laurée, un personnage fort, qui s’impose rapidement, et qui pour le coup réserve son lot de surprises et de révélations, là encore on a un personnage perdu, qui cache des choses, qui se cherche et qui cherche une place dans cette vie où le passé lui a été imputé et imposé par l’un des siens. Encore une fois, la thématique de la quête de soi, d’une identité, d’être et d’exister en tant que personne à part entière prédomine. Ensuite, il y a l’équipe de contrebandier, Natalia et toute sa clique de cosaques ; Dimitri, Dunya, Boleslav, Fiodor, absolument géniaux, forts en gueule et en charisme, une vraie famille, des hommes et des femmes libres, sans partie pris et qui emmerdent royalement les uns comme les autres, les lois et la légalité. Il y a aussi Catherine, la marraine de Dévoreur / Innocent, un personnage froid et calculateur, dont on a beaucoup de mal à définir les objectifs, si elle est du bon ou du mauvais côté, un personnage très antagoniste. D’autres personnages secondaires ont aussi leur importance, il faut dire que l’auteur les a particulièrement soignés, les a rendu crédibles avec leur lot de casseroles à traîner et leur attitude plus « héroïque » dans l’aventure.

A partir de là, l’auteur plante un décor d’après réchauffement climatique, à l’aube d’une guerre imminente pour aventurer ses personnages à travers des rebondissements et des révélations qui viennent maintenir notre intérêt tout au long du récit. On vit là une aventure des plus palpitantes et surtout dépaysantes traversant une Europe métamorphosée et gangrenée par des idéologies extrêmes. Un reproche que l’on peut faire, c’est qu’il y a un contraste entre un fond et un univers fouillé et une intrigue légèrement moins soignée. Pourquoi ? Tout simplement, parce que les dénouements des fils d’action ou les moments d’intrigues sont souvent vite balayés par des solutions plutôt faciles et des chutes rapides, il y avait là matière à encore nous en dire davantage et à faire preuve d’autant plus d’imagination. Il nous reste toutefois, une évolution plus qu’attractive de certains personnages et une fin des plus surprenante à laquelle on ne s’attend pas forcément mais qui finit sur une note d’espoir. L’auteur écrit tout ça d’une jolie plume, un style maîtrisé plutôt agréable à lire et détaillé dans le monde dans lequel il nous immerge.

En bref, un univers très fouillé où se heurtent technologistes et écologistes permettant à l’auteur de véhiculer des idées sur les uns et les autres et où l’homme n’a pas le plus beau des rôles, des personnages charismatiques et forts, même si le héros se fait manger la vedette par les autres, il y a là toute une notion d’identité mais aussi d’amitié, d’amour, de pardon, de valeurs humaines prépondérantes, tout ça dans une aventure incroyable à travers une Europe qui n’est plus la notre. Petit bémol pour certaines facilités dans l’intrigue mais le roman est tout même plutôt réussi et on ne peut que souligner l’imagination de l’auteur !
 
 
Publié le 21 février 2017

à propos de la même œuvre