Un univers tout en nuances
Premee Mohamed ancre son récit dans un univers post-apocalyptique d’éco-fiction. Le monde a brûlé, technologies et confort sont définitivement perdus et les survivants et leurs descendants ont réinventé d’autres manières de survivre. C’est ce monde mais aussi le récit de l’effondrement que nous découvrons entre les lignes au travers de l’histoire de Reid. Un monde plein de nuances, avec des éléments évidemment très positifs comme le respect de toute chose ou la mise en commun du travail, mais aussi des aspects plus sombres comme un retour à une justice punitive sanglante ou encore l’absence de perspective d’avenir pour cette jeunesse. J’ai trouvé cet univers particulièrement juste avec ses nuances et les questions qu’il pose. Il donne une ambiance toute particulière à ce récit qui oscille merveilleusement bien entre la lumière et l’ombre dans un va-et-vient constant qui fait écho aux réflexions de notre héroïne. Il y a dans cette histoire de la rage et de l’envie, de la peur et de la nécessité, du désir et de l’abandon. Et cela se ressent jusque dans la plume de l’autrice qui se pare de toutes ces nuances et nous embarque sans faillir dans ce monde plein de réflexions. En filigranes, évidemment, Premee Mohamed parle d’écologie et évoque avec force et justesse notre bêtise et le poids de nos actes pour les générations futures. Reid est l’étendard de cette jeunesse sacrifiée et sa voix et sa colère résonnent parfaitement dans ce court récit.
Une question d’espoir et de libre-arbitre
Tout le récit s’ancre autour de la question du choix. Doit-on faire ce qui est nécessaire pour le bien de la communauté ou faire ce qui nous permettrait de retrouver espoir en l’avenir ? Doit-on préserver ce qui est certain ou miser sur le possible ? Ne faut-il pas tout quitter et recommencer pour espérer changer les choses ? Et surtout, sommes-nous totalement libres de nos choix ? Toutes ces questions parsèment ce court récit qui aborde brillamment la notion de libre-arbitre. J’y ai retrouvé un peu des réflexions que j’avais eu à la lecture du très bon Paideia de Claire Garand. Cette oscillation permanente entre la destinée et la soif d’émancipation. Ajoutez à cette difficile réflexion un parasite fongique qui semble ne pas vous laisser totalement le contrôle de vous-mêmes et vous avez un obstacle supplémentaire à votre liberté de choix mais aussi pour la définition de votre identité. Très puissant, ce récit nous fait saisir le poids d’une décision d’importance dans un monde où tout est contrôlé et compté pour la survie. L’autrice nous fait parfaitement comprendre l’impact d’un choix où des renoncements accompagneront forcément une décision quelle qu’elle soit. J’ai été touchée par Reid, par ce poids sur ses jeunes épaules mais surtout par son besoin d’autre chose. Son histoire m’a émue car elle fait parfaitement prendre conscience de l’injustice du monde dans lequel elle vit et dans lequel, nous aussi, nous vivons. Mais elle en rappelle aussi toute sa beauté.
En bref, j’ai adoré ma lecture de La migration annuelle des nuages de Premee Mohamed qui nous offre un univers post-apocalyptique parfaitement nuancé. Il y a de la beauté et de la rage dans ce récit qui aborde brillamment la question du libre-arbitre et propose, en filigranes, des réflexions fortes sur notre mode de vie.