Il y a très peu d'auteurs qui parviennent à me faire entrer en résonance avec leurs romans, pour lesquels chaque chapitre m'atteint avec la joie ou la force d'un mouvement parfait d'une symphonie de Beethoven ou d'un quatuor de Schubert. David Gemmell y parvient, Poul Anderson aussi à un niveau un peu moindre. Après avoir lu les Lions d'Al-Rassan il y a deux ans et la Chanson d'Arbonne aujourd'hui, je peux ajouter Guy Gavriel Kay à la liste.

Il y a très peu d'auteurs qui parviennent à me faire entrer en résonance avec leurs romans, pour lesquels chaque chapitre m'atteint avec la joie ou la force d'un mouvement parfait d'une symphonie de Beethoven ou d'un quatuor de Schubert.
David Gemmell y parvient, Poul Anderson aussi à un niveau un peu moindre.
Après avoir lu les Lions d'Al-Rassan il y a deux ans et la Chanson d'Arbonne aujourd'hui, je peux ajouter Guy Gavriel Kay à la liste.

J'ai pourtant failli me fourvoyer dans mon angle d'attaque au début. L'auteur a pour marque de fabrique de déployer des fantasy qui s'appuient sur un socle historique solide mais dont les détails détournés, fantasmés, diffèrent de l'original. Cela lui donne une grande marge de liberté dans la chanson qu'il nous écrit.
Et au début donc, je voulais à tout prix retrouver le détail de l'original. Je voyais bien percer le 13ème siècle médiéval en France, le Midi et sa civilisation riche et chantante, où les femmes pouvaient gouverner à l'instar d'une Aliénor d'Aquitaine, où les troubadours apportaient leurs lettres de civilisation et où l'amour chanté avait droit de cité. Je voyais bien l'écho du catharisme organiser la vie d'une partie de ses habitants ; je voyais bien le Nord se préparer à la croisade, prêt à étouffer l'hérésie dans son sang et à s'emparer de ses terres aux dépends des seigneurs dévoyés du Sud.
Mais les détails n'étaient pas là, ou ils étaient là trop déformés. le Gorhaut faisait un royaume de France beaucoup trop excessif dans sa folie religieuse, dans son animosité pour les femmes, dans sa description d'un roi Adémar trop infâme et vulgaire pour ressembler à quelqu'un de connu. Arbonne de son côté exacerbait les qualités du Midi à un point extrême. Il était tout simplement trop beau pour être réel.

Mais rapidement, j'ai cessé de chercher la musique que j'attendais pour écouter celle que l'on me donnait à entendre.
Et c'était magnifique.
Tout comme son Al-Rassan, Guy Gavriel Kay fait vivre l'Arbonne. Il nous offre ce qu'un pays presque utopique a de mieux à offrir dans les temps de paix : les carnavals où le ménestrel a plus de poids que le seigneur, les jeux amusants et bêtes de taverne, les concours d'agilité sur le fleuve et sur la mer qui n'ont pas été sans me rappeler les joutes sétoises.
Et les chansons.
Et les poèmes.
Qu'il est triste de n'avoir que le texte et pas la musique qui l'accompagne. Certaines scènes de chants sont de pures merveilles profondément émouvantes.

Ce sont les personnages de l'auteur qui font rayonner l'Arbonne. Ils ont une substance indéniable composée de beaucoup de courage, de l'honneur, de l'éthique, de l'intelligence et d'un peu de manichéisme. Composée surtout de beaucoup d'amour, d'un peu de colère, et de regrets. Blaise, Bertran, Cygne, Lisseut, Valéry, Ariane, Rudel, les nommer ne vous apportera rien mais participe à la mélodie. Il faut les lire pour les voir vivre et interagir.
Par contraste, les quelques « méchants » sont sans nuances, ce qui ne veut pas dire sans intelligence.
Même chez eux, la rédemption est possible.

Je l'ai dit au début de ce billet, chaque chapitre est d'une richesse émotionnelle confondante, au point que je ne pouvais en avaler plus de deux en une journée, de peur de saturer. Certains changent d'émotion en cours de route, commençant gaiement, se poursuivant dans une tension d'inimitié choquante par contraste, s'atténuant dans la poésie pour repartir en point d'orgue violent. Certains sont dignes de comédie de boulevard tant les personnages surjouent diplomatiquement. Certains sont aussi de l'action pure, car la bataille s'invite après la chanson.
Les rebondissements permanents font penser à une partie de squash. Les coups de théâtre ne cessent jamais, étonnent, foudroient, ou amusent.
Font pleurer parfois.

Je ne sais pas quoi dire de plus. Plutôt que des faits, je voulais vous faire entendre la musique de ce roman.

La lecture, je l'ai réalisée en association avec Fifrildi qui a de l'oreille. Nous avons partagé nos émotions à chaque chapitre. Elle a dû ralentir son rythme de lecture pour m'accompagner. Ce n'est pas un mince sacrifice. Grands mercis à elle.

Publié le 12 juin 2019

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