Un libraire dont je tairai le nom pour ne pas faire de publicité à l'excellente librairie Scylla m'a ainsi intimé de lire Le Bois Duncton de William Horwood, avec force arguments enthousiastes (boing boing boing) et hautement persuasifs (le flingue sur la tempe, ou peu s'en faut). Bien évidemment, j'ai craqué. J'ai donc fait l'acquisition et la lecture de cet énorme roman passé relativement inaperçu. Et tout est de la faute d'un libraire, comme bien souvent. Le Bois Duncton, donc. L'histoire tourne essentiellement autour de trois personnages. Il y a tout d'abord Brin-de-Fougère, fils de Teigneux, qui, pour être à l'origine passablement frêle, n'en est pas moins le plus grand explorateur de son temps. C'est ainsi qu'il a quitté le Bois Duncton pour des destinations aussi lointaines qu'Uffington ou le Siabod. Mais il a aussi, au fil de ses pérégrinations, connu le grand amour avec la belle Rebecca, la fille du terrible Mandrake, nommée d'après la plus fameuse des guérisseuses, et bientôt elle-même guérisseuse hors-pair. Et il y a enfin Boswell, le scribe d'Uffington, qui nous a rapporté leur histoire. Tous trois sont indissociables, et sont les héros de ce roman. Et ce sont des taupes. Le Bois Duncton occupe ainsi une position pour le moins originale, quelque part entre une fantasy animalière so british et une fantasy plus héroïque, riche en beaux gestes et portée par le souffle des sagas. Un pari audacieux, que William Horwood a relevé haut la main. Cela se ressent jusque dans la vie quotidienne des taupes. Si les passages meugnons sont nombreux, quand ces charmantes bestioles pleines de poils gambadent dans les bois (« C'est mon bois ! Il est à moi ! ») ou vont chercher le soleil dans les prairies, les autres, plus cruels, ne sont pas en reste. Les taupes de ce roman sont en effet « réalistes », et leur vie, entre la quête essentielle de la nourriture et celle des accouplements, est faite de nombreuses bagarres terribles. Qu'on se le dise : la taupe est un hibou pour la taupe. Et on compte bien dans ces pages quelques « méchants » épiques, ainsi le tyran Mandrake et le fourbe Rune. Au fil des années-taupes, les héros de ce roman ont ainsi à traverser bien des épreuves cruelles. Bagarres meurtrières, menace omniprésente des prédateurs, famine, peste, incendie, blizzard... Rien ne leur est épargné, la nature est une mère impitoyable. Reste alors, pour certains du moins, le réconfort de la foi en la Pierre, qui imprègne les pages du roman, et décide de ses épisodes les plus héroïques, explorations lointaines, duels de légende et batailles sans merci. La réussite du roman, sous cet angle, est incontestable. Le style chatoyant de l'auteur emporte le lecteur aisément, et lui fait vivre une authentique vie de taupe. Au fil des pages, on se met ainsi insidieusement à « penser taupe »... ce qui fait comme un choc. L'évocation de la nature est riche et tout à fait remarquable, et les morceaux de bravoure, parallèlement, ne manquent pas. Le Bois Duncton est donc à n'en pas douter un très bon roman, original et fort. Est-ce un chef-d'œuvre pour autant (boing boing boing) ? Je n'irais peut-être pas pour ma part jusque là. En effet, outre le sous-texte religieux qui peut se montrer pénible à l'occasion, le principal défaut de ce roman réside à mon sens dans sa longueur, que j'ai trouvée excessive. C'est long, et c'est lent. Un peu trop, sans doute : l'ennui pointe à l'occasion, quelques passages se montrent un brin répétitifs, et le roman aurait à mon sens gagné à être un tantinet écourté... (...) Cela dit, Le Bois Duncton, fort de sa singularité et de son incontestable richesse, reste une lecture tout à fait recommandable. Je ne peux donc même pas en vouloir au cruel libraire évoqué plus haut : force m'est de reconnaître qu'il avait raison, le bougre, et que ce livre-là vaut assurément d'être lu. Nebal

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Un libraire dont je tairai le nom pour ne pas faire de publicité à l'excellente librairie Scylla m'a ainsi intimé de lire Le Bois Duncton de William Horwood, avec force arguments enthousiastes (boing boing boing) et hautement persuasifs (le flingue sur la tempe, ou peu s'en faut). Bien évidemment, j'ai craqué. J'ai donc fait l'acquisition et la lecture de cet énorme roman passé relativement inaperçu. Et tout est de la faute d'un libraire, comme bien souvent.

Le Bois Duncton, donc. L'histoire tourne essentiellement autour de trois personnages. Il y a tout d'abord Brin-de-Fougère, fils de Teigneux, qui, pour être à l'origine passablement frêle, n'en est pas moins le plus grand explorateur de son temps. C'est ainsi qu'il a quitté le Bois Duncton pour des destinations aussi lointaines qu'Uffington ou le Siabod. Mais il a aussi, au fil de ses pérégrinations, connu le grand amour avec la belle Rebecca, la fille du terrible Mandrake, nommée d'après la plus fameuse des guérisseuses, et bientôt elle-même guérisseuse hors-pair. Et il y a enfin Boswell, le scribe d'Uffington, qui nous a rapporté leur histoire.

Tous trois sont indissociables, et sont les héros de ce roman. Et ce sont des taupes.

Le Bois Duncton occupe ainsi une position pour le moins originale, quelque part entre une fantasy animalière so british et une fantasy plus héroïque, riche en beaux gestes et portée par le souffle des sagas. Un pari audacieux, que William Horwood a relevé haut la main. Cela se ressent jusque dans la vie quotidienne des taupes. Si les passages meugnons sont nombreux, quand ces charmantes bestioles pleines de poils gambadent dans les bois (« C'est mon bois ! Il est à moi ! ») ou vont chercher le soleil dans les prairies, les autres, plus cruels, ne sont pas en reste. Les taupes de ce roman sont en effet « réalistes », et leur vie, entre la quête essentielle de la nourriture et celle des accouplements, est faite de nombreuses bagarres terribles. Qu'on se le dise : la taupe est un hibou pour la taupe. Et on compte bien dans ces pages quelques « méchants » épiques, ainsi le tyran Mandrake et le fourbe Rune.

Au fil des années-taupes, les héros de ce roman ont ainsi à traverser bien des épreuves cruelles. Bagarres meurtrières, menace omniprésente des prédateurs, famine, peste, incendie, blizzard... Rien ne leur est épargné, la nature est une mère impitoyable. Reste alors, pour certains du moins, le réconfort de la foi en la Pierre, qui imprègne les pages du roman, et décide de ses épisodes les plus héroïques, explorations lointaines, duels de légende et batailles sans merci. La réussite du roman, sous cet angle, est incontestable. Le style chatoyant de l'auteur emporte le lecteur aisément, et lui fait vivre une authentique vie de taupe. Au fil des pages, on se met ainsi insidieusement à « penser taupe »... ce qui fait comme un choc. L'évocation de la nature est riche et tout à fait remarquable, et les morceaux de bravoure, parallèlement, ne manquent pas. Le Bois Duncton est donc à n'en pas douter un très bon roman, original et fort. Est-ce un chef-d'œuvre pour autant (boing boing boing) ? Je n'irais peut-être pas pour ma part jusque là. En effet, outre le sous-texte religieux qui peut se montrer pénible à l'occasion, le principal défaut de ce roman réside à mon sens dans sa longueur, que j'ai trouvée excessive. C'est long, et c'est lent. Un peu trop, sans doute : l'ennui pointe à l'occasion, quelques passages se montrent un brin répétitifs, et le roman aurait à mon sens gagné à être un tantinet écourté... (...) Cela dit, Le Bois Duncton, fort de sa singularité et de son incontestable richesse, reste une lecture tout à fait recommandable. Je ne peux donc même pas en vouloir au cruel libraire évoqué plus haut : force m'est de reconnaître qu'il avait raison, le bougre, et que ce livre-là vaut assurément d'être lu.

Nebal

Publié le 14 mars 2012

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