Dans le petit monde de la fantasy, le nom de Terry Pratchett est de ceux que tout le monde connaît. Les dizaines de tomes de ses Annales du Disque-monde comptent parmi les ouvrages les mieux vendus et les plus appréciés du genre, avec leur mélange subtil d'humour déjanté et de critique sociale sarcastique. Leur popularité ne s'est en rien démentie depuis la disparition prématurée de leur auteur, emporté par une forme rare de la maladie d'Alzheimer alors qu'il n'avait que soixante-six ans. Avant sa mort, il avait commencé à prendre des notes pour une potentielle autobiographie avec l'aide de son assistant Rob Wilkins. C'est seul que ce dernier a dû finir le travail pour aboutir à cette biographie « avec notes de bas de page », comme le souligne malicieusement son titre.
À première vue, et même à deuxième, Terry Pratchett fait partie de ces écrivains dont la vie n'a pas grand-chose de palpitant. Né en 1948 dans le Buckinghamshire, il grandit dans une maison qui n'a ni eau courante, ni électricité. Il devient très jeune un lecteur acharné, passant le plus clair de son temps à la bibliothèque, sans pour autant être un élève prodigieux. Il arrête ses études très vite pour devenir journaliste, se marie à vingt ans, travaille quelque temps dans les relations publiques avant que le succès du Disque-monde lui offre l'opportunité de vivre de sa plume à partir de la fin des années 1980. Ce succès ne se dément jamais, comme en témoignent les chiffres de ventes, les séances de dédicaces, le courrier des lecteurs et autres signes ostentatoires de réussite littéraire.
Le Terry Pratchett qui transparaît de ces pages est un individu pour le moins singulier, aussi drôle dans la vraie vie que dans ses romans, mais d'un caractère entier et mercuriel, qui sait ce qu'il veut, ce qu'il aime et ce qu'il n'aime pas et qui n'hésite pas à le dire, sans cruauté mais sans prendre de gants non plus. Le malheureux Rob Wilkins en fait d'ailleurs les frais à plusieurs reprises. Au-delà de son métier d'écrivain, Terry Pratchett apparaît comme un homme aux multiples passions, qui vit presque en autosuffisance dans les années 70 avec son potager, ses chèvres et ses abeilles. La deuxième moitié du livre est plus difficile, puisqu'elle retrace le lent déclin cognitif causé par sa maladie. Certains passages sont particulièrement poignants, mais Rob Wilkins ne s'abandonne jamais au pathos. Il parvient à transmettre efficacement la rage sourde qui pousse son sujet jusqu'à la fin de sa vie et lui permet d'écrire encore plusieurs livres au cours de ses dernières années, malgré les effets délétères d'Alzheimer.
Cette biographie ravira les fans du Disque-monde désireux d'en savoir davantage sur l'homme derrière la tortue. Écrite avec une verve toute pratchettienne, elle leur réservera aussi quelques bons éclats de rire.