Il s’est passé un moment unique aux Nuits de Fourvière, un long moment de douze heures : un écrivain a lu, en s’accordant quelques pauses, six pièces de son cru – du moins, ses adaptations si libres des comédies d’Aristophane -. Soit une lecture réelle de dix heures montre en main ! Heureusement que Valletti a un long passé de comédien derrière lui. Sinon, il n’aurait pu maîtriser tous les pièges d’un tel défi, à casser la voix et le souffle. Mais Valletti est porté par un projet fou qu’il a mis en chantier il y a quelques années sous le titre Toutaristophane : il a entrepris d’adapter, de transposer, de moderniser, d’actualiser, de mettre à neuf, de restaurer, de réinventer les onze comédies d’Aristophane qui nous sont parvenues. Il envisage même de composer un douzième texte avec les fragments de pièces dont on n’a retrouvé que quelques phrases ! Actuellement, il est dans le travail de réécriture du septième titre mais il a pris le temps de répondre à l’invitation du directeur des Nuits de Fourvière, Dominique Delorme, qui lui a proposé d’effectuer ce marathon périlleux au théâtre du Point du jour. Et Delorme a bien fait les choses : à chaque pause un buffet ou un repas était à la disposition du public ! Ce n’est pas seulement à cette bonne chère que l’on doit le plaisir de cette douzaine d’heures inoubliables. Serge Valletti, tel un coureur de fond ou un boxeur, a parfois donné des signes de fatigue mais, plus le temps tournait, plus l’énergie, la transe le poussaient à l’incarnation la plus volcanique de ses dialogues. Aristophane est vraiment devenu du Valletti, avec cette parole qui fait d’époustouflants surplaces pour mieux prendre au piège les vérités et les mensonges de la parole elle-même et qui vole de personnage en personnage. Même les titres ont changé : ainsi Lysistrata est devenue La Stratégie d’Alice et Les Oiseaux s’appellent Las Piaffas. Ce n’est pas chaste, mais cru, énorme, coloré, truculent, endiablé, paillard, délirant, grandiose. On avait beau être à Lyon, c’était follement athénien et follement marseillais. Un seul écrivain peut revendiquer d’être sorti de la cuisse de Zeus. C’est Valletti. Le marathon est terminé. L’écrivain poursuit son œuvre. Les pièces attendent leurs mises en scène. Et les livres sont à la disposition de ceux qui savent ou veulent savoir qu’Aristophane et Valletti pratiquent la comédie comme personne. Toutaristophane aux Nuits de Fourvière (séance unique le 9 juin). Le festival dure jusqu’au 31 juillet, él. : 04 72 32 00 00. Trois volumes de Toutaristophane, comportant chacun deux pièces, ont paru aux éditions de l’Atalante. photo : Serge Alvarez Webthea

Valletti – Toutaristophane - Webthea

Il s’est passé un moment unique aux Nuits de Fourvière, un long moment de douze heures : un écrivain a lu, en s’accordant quelques pauses, six pièces de son cru – du moins, ses adaptations si libres des comédies d’Aristophane -. Soit une lecture réelle de dix heures montre en main ! Heureusement que Valletti a un long passé de comédien derrière lui. Sinon, il n’aurait pu maîtriser tous les pièges d’un tel défi, à casser la voix et le souffle. Mais Valletti est porté par un projet fou qu’il a mis en chantier il y a quelques années sous le titre Toutaristophane : il a entrepris d’adapter, de transposer, de moderniser, d’actualiser, de mettre à neuf, de restaurer, de réinventer les onze comédies d’Aristophane qui nous sont parvenues. Il envisage même de composer un douzième texte avec les fragments de pièces dont on n’a retrouvé que quelques phrases !

Actuellement, il est dans le travail de réécriture du septième titre mais il a pris le temps de répondre à l’invitation du directeur des Nuits de Fourvière, Dominique Delorme, qui lui a proposé d’effectuer ce marathon périlleux au théâtre du Point du jour. Et Delorme a bien fait les choses : à chaque pause un buffet ou un repas était à la disposition du public ! Ce n’est pas seulement à cette bonne chère que l’on doit le plaisir de cette douzaine d’heures inoubliables. Serge Valletti, tel un coureur de fond ou un boxeur, a parfois donné des signes de fatigue mais, plus le temps tournait, plus l’énergie, la transe le poussaient à l’incarnation la plus volcanique de ses dialogues. Aristophane est vraiment devenu du Valletti, avec cette parole qui fait d’époustouflants surplaces pour mieux prendre au piège les vérités et les mensonges de la parole elle-même et qui vole de personnage en personnage. Même les titres ont changé : ainsi Lysistrata est devenue La Stratégie d’Alice et Les Oiseaux s’appellent Las Piaffas. Ce n’est pas chaste, mais cru, énorme, coloré, truculent, endiablé, paillard, délirant, grandiose.

On avait beau être à Lyon, c’était follement athénien et follement marseillais. Un seul écrivain peut revendiquer d’être sorti de la cuisse de Zeus. C’est Valletti. Le marathon est terminé. L’écrivain poursuit son œuvre. Les pièces attendent leurs mises en scène. Et les livres sont à la disposition de ceux qui savent ou veulent savoir qu’Aristophane et Valletti pratiquent la comédie comme personne.

Toutaristophane aux Nuits de Fourvière (séance unique le 9 juin). Le festival dure jusqu’au 31 juillet, él. : 04 72 32 00 00. Trois volumes de Toutaristophane, comportant chacun deux pièces, ont paru aux éditions de l’Atalante.

photo : Serge Alvarez

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Publié le 17 juin 2013

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