[...] Avec les contraintes - un sujet politiquement correct s’il en est -, Serge Valletti joue le jeu. Sa pièce (éditions de l’Atalante) retrace, en quatre actes, les trois jours de tension sanglante, et leur «dénouement» quelques mois plus tard. Fidèle au modèle de la tragédie classique, il laisse les meurtres hors champ et concentre l’action sur la maison de Fournier, le notable. Le massacre est vécu du point de vue des bourgeois apeurés, retranchés dans les murs. Le metteur en scène Patrick Pineau joue lui aussi le jeu de la pièce en costumes. Valletti a le sens de la collectivité : il écrit moins pour des individus que pour le groupe, ses personnages n’existent qu’en fonction des autres. L’esprit de famille est bien relayé sur le plateau de la MC93 de Bobigny. La tragédie est là, mais le vaudeville aussi, avec ses quiproquos et ses lubies - la jeune femme qui ne pense qu’à prendre son train pour Paris, ou l’ingénieur qui prétend avoir tout vu, et propage des rumeurs assassines. Oscillant entre lâcheté, indifférence et compassion impuissante, les personnages de Sale Août ne sont pas sympathiques, mais bénéficient d’une certaine empathie de l’auteur, qui ne se prend pas pour un justicier. Il dit avoir pensé à Tchekhov : «1893, c’est pile son époque. Et je me suis souvenu qu’il râlait toujours parce qu’il pensait avoir écrit des comédies et que ses pièces étaient montées de façon tragique.» Le quiproquo tragicomique donne à la pièce sa tension et culmine dans un dernier quart d’heure où triomphe l’humour noir. Et où Sale Août, avec ses immigrés qu’on laisse se faire assassiner devant la porte fermée à double tour, résonne alors bel et bien comme une pièce contemporaine.

Valletti - Sale Août - Libération

[...] Avec les contraintes - un sujet politiquement correct s’il en est -, Serge Valletti joue le jeu. Sa pièce (éditions de l’Atalante) retrace, en quatre actes, les trois jours de tension sanglante, et leur «dénouement» quelques mois plus tard. Fidèle au modèle de la tragédie classique, il laisse les meurtres hors champ et concentre l’action sur la maison de Fournier, le notable. Le massacre est vécu du point de vue des bourgeois apeurés, retranchés dans les murs.

Le metteur en scène Patrick Pineau joue lui aussi le jeu de la pièce en costumes. Valletti a le sens de la collectivité : il écrit moins pour des individus que pour le groupe, ses personnages n’existent qu’en fonction des autres. L’esprit de famille est bien relayé sur le plateau de la MC93 de Bobigny. La tragédie est là, mais le vaudeville aussi, avec ses quiproquos et ses lubies - la jeune femme qui ne pense qu’à prendre son train pour Paris, ou l’ingénieur qui prétend avoir tout vu, et propage des rumeurs assassines. Oscillant entre lâcheté, indifférence et compassion impuissante, les personnages de Sale Août ne sont pas sympathiques, mais bénéficient d’une certaine empathie de l’auteur, qui ne se prend pas pour un justicier. Il dit avoir pensé à Tchekhov : «1893, c’est pile son époque. Et je me suis souvenu qu’il râlait toujours parce qu’il pensait avoir écrit des comédies et que ses pièces étaient montées de façon tragique.» Le quiproquo tragicomique donne à la pièce sa tension et culmine dans un dernier quart d’heure où triomphe l’humour noir. Et où Sale Août, avec ses immigrés qu’on laisse se faire assassiner devant la porte fermée à double tour, résonne alors bel et bien comme une pièce contemporaine.

Publié le 13 janvier 2011

à propos de la même œuvre