L’univers est prometteur, la rivalité entre deux espèces alléchante, et l’auteur nous propose une réflexion intéressante sur l’addiction à la violence, la guerre et la mort. [...] Je suivrai la suite des aventures de Lazare en guerre.

L'artefact - Albédo
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Voici un roman dont le premier chapitre se clos avec brutalité. Notre héros Conrad Harris décède en mission lors d’un affrontement contre les Krells, et tout son équipe avec.  Inutile de dire que cela fait un choc.

Dans un futur assez lointain, l’humanité a colonisé la Voie Lactée mais s’est cassée les dents sur une espèce d’aliens particulièrement agressive et vindicative.  Cette rencontre du troisième type a dégénéré en une guerre presque totale bien que le berceau de l’homme ne soit pas (encore) menacé. A la régulière, les Krells sont imbattables, ils représentent la machine de guerre biomécanique parfaite. Aussi, les scientifiques ont-ils réussi à développer un programme de simulants,  des clones dont l’ADN a été modifié pour en faire de super soldat. La doublure peut être sacrifié lors d’une mission tandis que son « pilote » survit. La référence à Lazarre paraît donc toute indiquée. Une référence qui montre la volonté de proposer une sf plus réfléchie qu’une simple baston galactique.

L’artefact explore une sf militaire largement différente des grandes sagas du genre. Nous sommes plus proche de Scalzi, Heinlein et Poul Anderson que de David Weber ou Jack Campbell dont les empires stellaires luttent entre camps humains.

Le nom de Poul Anderson peut effectivement surprendre car  rarement l’auteur est associé à de la sf militaire. Pourtant le programme simulant – qui voit des hôtes génétiquement modifiés et dont les traits n’ont plus grand chose d’humain – ressemble fort à celui de Jupiter et les Centaures (ou alors le film Avatar). Conrad et sa troupe combattent à distance, leur corps reposant dans des cuves tout en étant reliés à leur doublure guerrière.  Lors de leur décès, ils retrouvent leurs esprits loin du combat, leur enveloppe à l’abri dans un liquide amniotique de synthèse. Une pratique propice à sauver des vies mais qui « dédramatise » et aseptise la guerre. La mort s’éloigne par l’intermédiaire de ces interfaces simulantes, la réalité du combat aussi, et réduit le tout à un jeux vidéo ?….Une thématique fort captivante qui est proposée par l’auteur, alors que ses protagonistes deviennent des virtuoses dans cette confrontation virtuelle.

Physiquement, ils sont sains. Psychologiquement, c’est une autre affaire.

En effet, Jamie Sawyer propose un roman qui va au-delà d’un simple récit plein de bastons, de testostérone et du claquements sourds de munitions en tout genre. En cela, il se rapproche de John Scalzi et du Vieil Homme et la guerre, en s’interrogeant sur la place de l’homme face à la guerre, au combat et à la mort. Il dépeint des personnages rongés par le combat, à la fois traumatisé par ces morts répétitives, ce jeu de dupe avec la faucheuse mais aussi sous l’influence grandissante de cette sensation d’immortalité, cette addiction au bourre-pifs, à la boucherie et au danger.

Tous les protagonistes sont touchés à divers niveaux et vivent cette addiction de manière différente, de Blake, jeune homme souhaitant mettre un terme à l’aventure au Capitaine Conrad Harris, en cas typique du junkie soufrant de stress post traumatique. Un personnage, finalement assez proche de Rambo dans son rapport à la guerre (dans le premier film pas les autres machins). D’ailleurs, l’officier ne peut plus se passer de ces incursions, et il ne vit plus que pour le prochain affrontement, son enveloppe charnelle réelle devient finalement plus qu’une contrainte.

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C’est par l’intermédiaire de nombreux flashback sur son enfance et les prémices du programme simulant que le lecteur se familiarise avec son passé et sa personnalité. L’auteur en profite pour nous dépeindre son histoire du futur, les événements qui ont amené cette guerre et la tournure prise par le conflit interstellaire.

Le premier contact a eu lieu par hasard, mais tout de suite la hache de guerre fut de sortie. Les Krells sont des aliens coriaces, adaptables et taillés pour le combat. La description de quelques spécimens fait inévitablement penser aux Aliens du 8° Passager, avec leur carapace en chitine, l’aspect gluant, les éperons et les dents. Leurs organisation fait davantage penser aux extra-terrestres de la [Stratégie] Ender d‘Orson S. Card avec des formes primaires dirigeant les autres, telle une reine sa colonie d’abeilles. Mais, ce sont surtout les arachnéides de Starship Troopers qui me sont venus à l’esprit.  A leur image, les Krells ont la capacité à se projeter dans l’espace, des formes diverses et variés adaptées aux besoins, (même des vaisseaux spatiaux biomécanique), ainsi qu’un bio-plasma comme munition/arme. Même la situation désespérée de l’équipe est similaire au roman de Heinlein.

Et l’artefact dans tout cela ? C’est un mystère et l’objet de la mission de Conrad Harris. Ils sont envoyé dans le Maelstrom en territoire Krell pour secourir une expédition scientifique. Impossible dans dévoiler de trop, car il s’agit là du cœur du récit et d’ailleurs de son intérêt. Jusque là je n’avais rien trouvé de révolutionnaire ou de transcendant au roman du britannique. En revanche, ensuite, le mystère concernant l’artefact s’épaissit et amène une densité à l’univers. Les jeux d’influence, un poker menteur et les trahisons se succèdent à un rythme enlevé. Les combats sont violents, nombreux et soignés.

Ainsi, le roman en soi m’a-t-il bien plue; sans atteindre totalement mes attentes. L’univers est prometteur, la rivalité entre deux espèces alléchante, et l’auteur nous propose une réflexion intéressante sur l’addiction à la violence, la guerre et la mort. [...] Je suivrai la suite des aventures de Lazare en guerre.

Albédo

Publié le 30 mars 2017

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