Oyez oyez, bonnes gens!     Un vent de folie souffle sur la Fantasy, Shakespeare n’a qu’à bien se tenir! Les personnages les plus improbables ont tous un rôle à jouer dans la Comédie du Disque-Monde… Ainsi, la Mort elle-même donnera le ton afin d’aider un pauvre mortel à jouer correctement son propre rôle.  Tout commence par une nuit d’orage où trois sorcières vont sceller le destin d’un bébé. Dès les premières lignes, l’auteur placera son décor de cette manière: «Le vent hurlait. La foudre lardait le pays comme un assassin maladroit. (…) La nuit était aussi noire que l’intimité d’un chat. Une de ces nuits, peut-être, où les dieux manipulent les hommes comme des pions sur l’échiquier du destin. Au cœur des éléments déchaînés, (…) luisait un feu, telle la folie dans l’œil d’une fouine. Il éclairait trois silhouettes voûtées. Tandis que bouillonnait le chaudron, une voix effrayante criailla: – Quand nous revoyons-nous, toutes les trois? Une pause suivit. Enfin une autre voix, beaucoup plus naturelle, répondit: – Ben, moi, j’peux mardi prochain.[1]» S’ensuit alors une aventure extraordinaire mêlant intrigues, sortilèges en tous genres et prince héritier passionné de théâtre.  Terry Pratchett s’amuse, et ça se sent tout au long des pages, en bouleversant les codes de la Fantasy afin de nous en offrir une peinture cynique et burlesque. Grâce aux comparaisons subtiles, aux métaphores, aux personnifications d’éléments naturels et aux nombreuses références littéraires et mythologiques, on rit du début à la fin. L’intrigue (originale et bien menée) et l’humour sont les atouts majeurs de ce roman agréable et intelligent. Jugez plutôt de l’habileté de la plume de Terry grâce à ces quelques passages:  1. Lorsque la Mort réfléchit à ce que représente le Théâtre[2]: «Il y avait en ces lieux, songea-t-il (l’auteur considère que la Mort est un homme), quelque chose qui s’apparentait au divin. Dans un monde les humains en avaient bâti un autre qui le réfléchissait un peu comme une goutte d’eau réfléchit le paysage. Et pourtant… Et pourtant… Dans ce petit monde ils avaient mis tout ce à quoi on aurait cru qu’ils voulaient échapper: haine, peur, tyrannie et ainsi de suite. La Mort était intrigué. Les humains se croyaient désireux de sortir d’eux-mêmes, et tous les arts qu’ils imaginaient les y faisaient entrer davantage. Il était fasciné.»  2. Ce à quoi aspire réellement la Tempête: «La tempête se donnait vraiment à fond. C’était l’occasion ou jamais. (…) Voilà qu’une relâche dans la météo lui offrait la chance de tenir la vedette, et elle en rajoutait dans son rôle avec l’espoir qu’un gros climat la remarque.»[3]  3. Le véritable pouvoir des mots et ses terribles conséquences: «Tout ce qu’on aura pu faire, tout ce qu’on aura pu être cessera d’exister. (…) C’est l’Art qui tend un miroir à la Vie. Voilà pourquoi tout est à l’envers.»[4] Ainsi, l’auteur nous prouve qu’il est possible de transmettre certains messages de manière cynique, par le biais de personnages caricaturés. Il mêle habilement comédie et tragédie et sait comment jouer avec les mots pour nous toucher et nous faire rire. Les sujets les plus graves sont tournés en dérision, ils en deviennent moins angoissants. Son écriture est fluide, précise et enrichie de nombreux jeux de mots. De plus, la couverture illustrée par Josh Kirby est terrible!  Petit bémol (ou pas c’est selon), il est nécessaire de connaître toutes les références auxquelles Terry Pratchett fait allusion (je pense notamment aux diverses pièces de Shakespeare et aux créatures mythologiques). Mis à part ce petit détail, ce tome est un moment de pur bonheur! J’aime beaucoup le personnage du fou qui dissimule son intelligence sous une expression niaise. Pour terminer voici un passage qui m’a fait beaucoup rire[5]:  «On frappe à l’huis, dit-il. - A lui qui? fit le fou. - A l’huis dehors, crétin.  Le fou lui jeta un coup d’œil inquiet. – Au dehors de lui tu veux dire? Je n’y comprends rien fit-il d’un air soupçonneux. Ça ne serait pas un genre de zen, ça, des fois?»      Je n’ai pas encore lu tout la série des Annales du Disque-monde mais ce seul tome m’a convaincue du talent de Terry Pratchett. Son univers loufoque, régi par des lois cocasses, en fera sourire plus d’un. Là se trouve la force de cet écrivain de génie!       Une fois le livre refermé, une question pourtant demeure… Pourquoi diable le menhir se tient-il toujours prêt à déguerpir au moindre comptable en vue[6]? Mystère… ~Melissande~ [1] Cf. PRATCHETT TERRY, Trois soeurcières. Les Annales du Disque-Monde, éd. L’Atalante, 1995, page 1. [2] Cf. PRATCHETT TERRY, Trois soeurcières. Les Annales du Disque-Monde, éd. L’Atalante, 1995, pages 312 et 313. [3] Cf. PRATCHETT TERRY, Trois soeurcières. Les Annales du Disque-Monde, éd. L’Atalante, 1995, pages 10 et 11. [4] Cf. PRATCHETT TERRY, Trois soeurcières. Les Annales du Disque-Monde, éd. L’Atalante, 1995, page 297. [5] Cf. PRATCHETT TERRY, Trois soeurcières. Les Annales du Disque-Monde, éd. L’Atalante, 1995, pages 33 et 34. [6] Cf. PRATCHETT TERRY, Trois soeurcières. Les Annales du Disque-Monde, éd. L’Atalante, 1995, page 335.   Les Bouquinautes

Pratchett - Trois sœurcière - Les Bouquinautes

   Oyez oyez, bonnes gens!

    Un vent de folie souffle sur la Fantasy, Shakespeare n’a qu’à bien se tenir! Les personnages les plus improbables ont tous un rôle à jouer dans la Comédie du Disque-Monde… Ainsi, la Mort elle-même donnera le ton afin d’aider un pauvre mortel à jouer correctement son propre rôle.

 Tout commence par une nuit d’orage où trois sorcières vont sceller le destin d’un bébé. Dès les premières lignes, l’auteur placera son décor de cette manière: «Le vent hurlait. La foudre lardait le pays comme un assassin maladroit. (…) La nuit était aussi noire que l’intimité d’un chat. Une de ces nuits, peut-être, où les dieux manipulent les hommes comme des pions sur l’échiquier du destin. Au cœur des éléments déchaînés, (…) luisait un feu, telle la folie dans l’œil d’une fouine. Il éclairait trois silhouettes voûtées. Tandis que bouillonnait le chaudron, une voix effrayante criailla: – Quand nous revoyons-nous, toutes les trois? Une pause suivit. Enfin une autre voix, beaucoup plus naturelle, répondit: – Ben, moi, j’peux mardi prochain.[1]» S’ensuit alors une aventure extraordinaire mêlant intrigues, sortilèges en tous genres et prince héritier passionné de théâtre.

 Terry Pratchett s’amuse, et ça se sent tout au long des pages, en bouleversant les codes de la Fantasy afin de nous en offrir une peinture cynique et burlesque. Grâce aux comparaisons subtiles, aux métaphores, aux personnifications d’éléments naturels et aux nombreuses références littéraires et mythologiques, on rit du début à la fin. L’intrigue (originale et bien menée) et l’humour sont les atouts majeurs de ce roman agréable et intelligent. Jugez plutôt de l’habileté de la plume de Terry grâce à ces quelques passages:

 1. Lorsque la Mort réfléchit à ce que représente le Théâtre[2]: «Il y avait en ces lieux, songea-t-il (l’auteur considère que la Mort est un homme), quelque chose qui s’apparentait au divin. Dans un monde les humains en avaient bâti un autre qui le réfléchissait un peu comme une goutte d’eau réfléchit le paysage. Et pourtant… Et pourtant… Dans ce petit monde ils avaient mis tout ce à quoi on aurait cru qu’ils voulaient échapper: haine, peur, tyrannie et ainsi de suite. La Mort était intrigué. Les humains se croyaient désireux de sortir d’eux-mêmes, et tous les arts qu’ils imaginaient les y faisaient entrer davantage. Il était fasciné

 2. Ce à quoi aspire réellement la Tempête: «La tempête se donnait vraiment à fond. C’était l’occasion ou jamais. (…) Voilà qu’une relâche dans la météo lui offrait la chance de tenir la vedette, et elle en rajoutait dans son rôle avec l’espoir qu’un gros climat la remarque[3]

 3. Le véritable pouvoir des mots et ses terribles conséquences: «Tout ce qu’on aura pu faire, tout ce qu’on aura pu être cessera d’exister. (…) C’est l’Art qui tend un miroir à la Vie. Voilà pourquoi tout est à l’envers[4]

Ainsi, l’auteur nous prouve qu’il est possible de transmettre certains messages de manière cynique, par le biais de personnages caricaturés. Il mêle habilement comédie et tragédie et sait comment jouer avec les mots pour nous toucher et nous faire rire. Les sujets les plus graves sont tournés en dérision, ils en deviennent moins angoissants. Son écriture est fluide, précise et enrichie de nombreux jeux de mots. De plus, la couverture illustrée par Josh Kirby est terrible!

 Petit bémol (ou pas c’est selon), il est nécessaire de connaître toutes les références auxquelles Terry Pratchett fait allusion (je pense notamment aux diverses pièces de Shakespeare et aux créatures mythologiques). Mis à part ce petit détail, ce tome est un moment de pur bonheur! J’aime beaucoup le personnage du fou qui dissimule son intelligence sous une expression niaise. Pour terminer voici un passage qui m’a fait beaucoup rire[5]:

 «On frappe à l’huis, dit-il.

- A lui qui? fit le fou.

- A l’huis dehors, crétin.

 Le fou lui jeta un coup d’œil inquiet. – Au dehors de lui tu veux dire? Je n’y comprends rien fit-il d’un air soupçonneux. Ça ne serait pas un genre de zen, ça, des fois?»

     Je n’ai pas encore lu tout la série des Annales du Disque-monde mais ce seul tome m’a convaincue du talent de Terry Pratchett. Son univers loufoque, régi par des lois cocasses, en fera sourire plus d’un. Là se trouve la force de cet écrivain de génie!

      Une fois le livre refermé, une question pourtant demeure… Pourquoi diable le menhir se tient-il toujours prêt à déguerpir au moindre comptable en vue[6]? Mystère…

~Melissande~


[1] Cf. PRATCHETT TERRY, Trois soeurcières. Les Annales du Disque-Monde, éd. L’Atalante, 1995, page 1.

[2] Cf. PRATCHETT TERRY, Trois soeurcières. Les Annales du Disque-Monde, éd. L’Atalante, 1995, pages 312 et 313.

[3] Cf. PRATCHETT TERRY, Trois soeurcières. Les Annales du Disque-Monde, éd. L’Atalante, 1995, pages 10 et 11.

[4] Cf. PRATCHETT TERRY, Trois soeurcières. Les Annales du Disque-Monde, éd. L’Atalante, 1995, page 297.

[5] Cf. PRATCHETT TERRY, Trois soeurcières. Les Annales du Disque-Monde, éd. L’Atalante, 1995, pages 33 et 34.

[6] Cf. PRATCHETT TERRY, Trois soeurcières. Les Annales du Disque-Monde, éd. L’Atalante, 1995, page 335.

 

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Publié le 9 juillet 2013

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