De Mike Moorkock, le public français connait surtout les grandes sagas – au premier rang Elric, bien sûr, le sulfureux sorcier melnibonéen. Hawkmoon, aussi, parfois. De temps en temps, les lecteurs ont poussé jusqu’au cycle de Corum. Autant dire rien. Ou du moins, pas le meilleur. C’est étrange, en passant, que les plus beaux bouquins de Moorkock soient absolument méconnus. Je pense évidemment au cycle halluciné de Jerry Cornelius, à ses nouvelles extraordinaires (dont la monumentale histoire courte Voici l’homme), à Gloriana, et, évidemment, le chef d’œuvre dont je voulais vous parler aujourd’hui, Le chien de guerre et la douleur du monde. Tous ces bouquins ont été disponibles en France, traduits d’inégale façon. Chez Pocket, chez l’Atalante. Encore trouvables chez les bons bouquinistes, mais pas dans le circuit traditionnel de la librairie. Le fan doit donc se contenter des cycles du champion éternel, pas inintéressants, mais pas inoubliables. Ecrits rapidement, parfois mal, sous la pression des fans ou parce que Moorcock avait besoin de sous pour éponger ses dettes. Le chien de guerre et la douleur du monde, lui, est encore disponible, chez l’Atalante. Il ne doit plus en rester beaucoup chez l’éditeur, alors vous avez tout intérêt à le commander avant qu’il ne tombe dans les limbes. C’est bien simple, personne ne le connait, et à l’heure où je vous parle, aucune Fnac (j’ai bien dit « aucune ») ne le propose autrement qu’à la commande. Un véritable choc, quand je m'en suis aperçu. Parce que Le chien de guerre et la douleur du monde est, de mon humble point de vue de vieux lecteur de fantasy/SF/fantastique, le meilleur bouquin du vieux Mike. C’est un récit fantastique qui se déroule dans notre bon vieil univers, au cœur de l’Allemagne de la Guerre de Trente ans. Une période riche en aventures et en boucheries sanglantes. Bien que Le Chien de guerre ne soit pas rattaché officiellement au mythe du Champion éternel, la parenté est évidente et sautera aux yeux du lecteur averti à mesure de sa lecture. Ulrich von Beck, le principal personnage, est un capitaine mercenaire, ancien soudard essayant de se racheter une conscience après l'horreur du sac de Magdebourg, où 25 000 habitants furent passés au fil de l'épée. Il y a du Elric, chez von Beck. Mais là où Elric irrite, avec ses atermoiements, ses incessantes hésitations, ses questions existentielles juvéniles, von Beck apparait comme un personnage fort, mature, et volontaire. Quand Moorcock pouvait dire, à 16 ou 17 ans, tout Flaubertien, « Elric, c’est moi », von Beck serait l’auteur devenu adulte, libéré de ses passions adolescentes. L'écriture elle-même semble libérée de ses lourdeurs, du style souvent approximatif de ses grandes sagas. Le chien de guerre et la douleur du monde est un roman de la maturité. Von Beck vit l’aventure dans un monde en ruine. La guerre de Trente ans ravage le Saint Empire Romain Germanique. Cités en flammes, massacres, viols, chasse aux hérétiques, la soldatesque qui se vend au plus offrant, les campagnes en proie aux bandes errantes de mercenaires démobilisés, la population décimée par la peste – Moorcock nous emmène dans un monde qui semble s'acheminer vers sa fin, emporté par une crise religieuse annonciatrice de la fin des Temps. Bien qu’il ne s’agisse en aucun cas d’un roman historique au premier degré, quoi que les références historiques soient tout à fait exactes, Moorcock a parfaitement saisi, à mon sens, l’esprit d’une époque, en conférant à ses personnages une crédibilité et un ancrage dans l’univers que j’ai rarement observé dans un autre roman de littérature dite « populaire ». Dans cet univers en équilibre au bord de l’abîme, von Beck va passer un pacte avec le Diable, Lucifer – un pacte bien étrange, qui va l’entrainer dans une quête dont il ne saurait imaginer les conséquences s’il échouait. Je ne vous en dévoile pas plus tant l’intrigue, et la nature même de ce pacte, est surprenante. Ce serait déflorer un très beau sujet. Qu’on sache simplement que von Beck va se retrouver pris dans un écheveau d’intrigues brillamment narrées par Moorcock – de la grande aventure, dans ce monde et dans quelques autres, de l’action, de beaux combats, des cas de conscience, de la magie, un adversaire à la mesure de von Beck et une jolie fille à secourir : tous les ingrédients d’un superbe roman d’aventure historico-fantastique. A mon avis, dans quelques mois, ce roman méconnu sera définitivement indisponible. Jetez-vous sur les derniers stocks, vous ne le regretterez pas. Et avec un peu de chance, quelques commandes chez l’éditeur l’encourageront à le réimprimer quand les derniers stocks seront taris. Bonne lecture ! Gérald Fnac.com

Moorcock - Le chien de guerre et la douleur du monde - Fnac

De Mike Moorkock, le public français connait surtout les grandes sagas – au premier rang Elric, bien sûr, le sulfureux sorcier melnibonéen. Hawkmoon, aussi, parfois. De temps en temps, les lecteurs ont poussé jusqu’au cycle de Corum.

Autant dire rien. Ou du moins, pas le meilleur. C’est étrange, en passant, que les plus beaux bouquins de Moorkock soient absolument méconnus. Je pense évidemment au cycle halluciné de Jerry Cornelius, à ses nouvelles extraordinaires (dont la monumentale histoire courte Voici l’homme), à Gloriana, et, évidemment, le chef d’œuvre dont je voulais vous parler aujourd’hui, Le chien de guerre et la douleur du monde.

Tous ces bouquins ont été disponibles en France, traduits d’inégale façon. Chez Pocket, chez l’Atalante. Encore trouvables chez les bons bouquinistes, mais pas dans le circuit traditionnel de la librairie. Le fan doit donc se contenter des cycles du champion éternel, pas inintéressants, mais pas inoubliables. Ecrits rapidement, parfois mal, sous la pression des fans ou parce que Moorcock avait besoin de sous pour éponger ses dettes.

Le chien de guerre et la douleur du monde, lui, est encore disponible, chez l’Atalante. Il ne doit plus en rester beaucoup chez l’éditeur, alors vous avez tout intérêt à le commander avant qu’il ne tombe dans les limbes. C’est bien simple, personne ne le connait, et à l’heure où je vous parle, aucune Fnac (j’ai bien dit « aucune ») ne le propose autrement qu’à la commande. Un véritable choc, quand je m'en suis aperçu.

Parce que Le chien de guerre et la douleur du monde est, de mon humble point de vue de vieux lecteur de fantasy/SF/fantastique, le meilleur bouquin du vieux Mike. C’est un récit fantastique qui se déroule dans notre bon vieil univers, au cœur de l’Allemagne de la Guerre de Trente ans. Une période riche en aventures et en boucheries sanglantes.

Bien que Le Chien de guerre ne soit pas rattaché officiellement au mythe du Champion éternel, la parenté est évidente et sautera aux yeux du lecteur averti à mesure de sa lecture. Ulrich von Beck, le principal personnage, est un capitaine mercenaire, ancien soudard essayant de se racheter une conscience après l'horreur du sac de Magdebourg, où 25 000 habitants furent passés au fil de l'épée. Il y a du Elric, chez von Beck. Mais là où Elric irrite, avec ses atermoiements, ses incessantes hésitations, ses questions existentielles juvéniles, von Beck apparait comme un personnage fort, mature, et volontaire.

Quand Moorcock pouvait dire, à 16 ou 17 ans, tout Flaubertien, « Elric, c’est moi », von Beck serait l’auteur devenu adulte, libéré de ses passions adolescentes. L'écriture elle-même semble libérée de ses lourdeurs, du style souvent approximatif de ses grandes sagas. Le chien de guerre et la douleur du monde est un roman de la maturité.

Von Beck vit l’aventure dans un monde en ruine. La guerre de Trente ans ravage le Saint Empire Romain Germanique. Cités en flammes, massacres, viols, chasse aux hérétiques, la soldatesque qui se vend au plus offrant, les campagnes en proie aux bandes errantes de mercenaires démobilisés, la population décimée par la peste – Moorcock nous emmène dans un monde qui semble s'acheminer vers sa fin, emporté par une crise religieuse annonciatrice de la fin des Temps. Bien qu’il ne s’agisse en aucun cas d’un roman historique au premier degré, quoi que les références historiques soient tout à fait exactes, Moorcock a parfaitement saisi, à mon sens, l’esprit d’une époque, en conférant à ses personnages une crédibilité et un ancrage dans l’univers que j’ai rarement observé dans un autre roman de littérature dite « populaire ».

Dans cet univers en équilibre au bord de l’abîme, von Beck va passer un pacte avec le Diable, Lucifer – un pacte bien étrange, qui va l’entrainer dans une quête dont il ne saurait imaginer les conséquences s’il échouait. Je ne vous en dévoile pas plus tant l’intrigue, et la nature même de ce pacte, est surprenante. Ce serait déflorer un très beau sujet. Qu’on sache simplement que von Beck va se retrouver pris dans un écheveau d’intrigues brillamment narrées par Moorcock – de la grande aventure, dans ce monde et dans quelques autres, de l’action, de beaux combats, des cas de conscience, de la magie, un adversaire à la mesure de von Beck et une jolie fille à secourir : tous les ingrédients d’un superbe roman d’aventure historico-fantastique.

A mon avis, dans quelques mois, ce roman méconnu sera définitivement indisponible. Jetez-vous sur les derniers stocks, vous ne le regretterez pas. Et avec un peu de chance, quelques commandes chez l’éditeur l’encourageront à le réimprimer quand les derniers stocks seront taris.

Bonne lecture !

Gérald
Fnac.com

Publié le 24 juillet 2012

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