La magie est alors plus associée par métaphore à une forme de programmation dont on peut manipuler le code, ce qui nous éloigne des baguettes et des animaux magiques.

Le Roi magicien - fractale-framboise
Il y a un bon bout de temps déjà, j’avais parlé du premier volet de la trilogie des Magiciens de Lev Grossman. En commençant le second volume, Le roi magiciens je me souvenais avoir beaucoup aimé le premier, Les Magiciens, sans toutefois me remémorer des détails.
 
Le Roi magicien reprend le récit plusieurs mois après les événements qui ont permis à Quentin et à trois de ses amis de s’installer sur le trône de Fillory, une contrée magique qui a fait l’objet de romans à succès dans notre réalité — au même titre que tous les Harry Potter, Lord of the Rings et Narnia de ce monde. Les choses vont tellement bien que Quentin se morfond d’ennui. Afin de briser la routine, il se lance dans une quête mineure en compagnie de Julia, la seule magicienne du groupe à ne pas avoir appris la magie au collège Brakebills. L’expédition sécuritaire prend un tournant inattendu et voilà que Quentin et Julia se retrouvent, à leur grande horreur, au Massachusetts, dans notre déprimante réalité. S’amorce alors une quête de plus grande envergure pour trouver une porte vers Fillory, puis pour sauver la magie qui a commencé à se dissoudre mystérieusement.

Quentin n’a pas beaucoup changé depuis Les magiciens. Il est toujours aussi superficiel, ce qui limite sa compréhension de la véritable nature de la magie même s’il a déjà été témoin de ses aspects merveilleux et horrifiques. Il a grandi en consommant une quantité industrielle de fantasy, et il lui est resté l’idée fausse que cet art est là pour le servir. Avide d’aventures et d’exploits légendaires qui donneront un sens à sa vie, Quentin apprendra à la dure que le véritable héroïsme passe par l’abnégation et le sacrifice. En parallèle aux déboires actuels des héros, nous explorons enfin le passé de Julia, un personnage peu développé dans le premier livre. Ayant échoué à l’examen de passage du collège de magie, Julia a dû apprendre par la bande. Elle s’est lancée corps et âme dans une quête impossible, finissant enfin par découvrir un groupe de surdoués aussi assoiffés qu’elle de connaissances. Les efforts déployés par ces gens pour percer les secrets de la magie aura des répercussions inattendues.

Le Roi magicien dévoile tout un pan sur les sources de la magie. J’ai beaucoup aimé l’inventivité de l’auteur de ce côté-là. Les magiciens doivent travailler dur, voire être calés en sciences pures pour atteindre et maîtriser les différents niveaux d’apprentissage. Ils compilent toutes sortes de données qu’ils hachent menu et sassent d’un œil scrutateur pour en extraire la moindre parcelle d’information. Le procédé est fascinant et il plaira à l’obsessif-compulsif en vous.

À travers les diverses quêtes, le lecteur est mené en des coins inconnus de Fillory. Il voyage aussi à travers les États-Unis, puis en Europe où des arrêts sont faits à Venise, en Angleterre et dans la belle Provence, une contrée riche en légendes et en créatures imaginaires.

Les portails magiques s’avèrent d’une grande utilité pour éviter des frais d’avion. On apprend d’ailleurs que la venue de Google Street View a été une bénédiction pour les magiciens, qui s’en servent pour affûter la précision de leurs transferts. Le récit est assez méta en ce sens que les héros connaissent autant les clichés de la fantasy que les références geek de notre propre culture. La magie est alors plus associée par métaphore à une forme de programmation dont on peut manipuler le code, ce qui nous éloigne des baguettes et des animaux magiques.

Cette même approche méta permet à l’auteur de lancer des traits d’humour bienvenus. Et en fin de compte, c’est la recherche maniaque de Julia lors des flash-backs qui donne le plus de saveur au roman. Du moins, c’est la partie que j’ai de loin préférée.

Laurine, Fractale framboise.
Publié le 27 janvier 2015

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