Ce roman a été un coup de cœur pour plusieurs raisons, la première étant l’incroyable plume de Camille Leboulanger, et son amour des mots qui transpire de son texte. La deuxième est que ce texte nous donne une possibilité de plus d’ouvrir les yeux, et d’éviter, peut-être, s’il n’est pas trop tard, la catastrophe écologique qui nous fonce dessus.

Les lectures de Sophie
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Ce roman est à la fois très malaisant et plein d’espoir… Mais surtout, ce livre est plein de poésie. Camille Leboulanger a une plume rare et belle. Les phrases sont ciselées, chaque mot trouve sa place et son sens de manière évidente.

J’avais découvert ce jeune auteur dans un style différent avec Bertram le Balladin il y a quelques mois. Son thème alors était l’absence de papier et donc d’écriture, compensée par la musique. Ici aussi, l’écriture est très peu présente. L’urgence de la survie a éloigné le besoin d’apprendre à lire et écrire. Traité de manière tout à fait différente, le pouvoir des mots reste central dans ce livre.

Au début de l’histoire, Zizare, qui ne porte pas encore de nom, erre dans la Malboire. C’est quand il est sorti de la boue par Arsen qu’il commence à apprendre les mots, et à les poser sur ce qu’il vit et ce qu’il a vécu. Au départ, son vocabulaire tourne autour de la Malboire et de l’eau, élément vital s’il en est, mais qui a disparu de la surface de la planète au profit de cette boue toxique nommée Malboire. A force de vouloir toujours plus de tout, l’Homme a par le biais des pesticides réussit a tuer l’eau potable. Il ne reste que la pluie. C’est du moins ce que croient les survivants. Sauf un, Arsen, qui est persuadé qu’il reste de l’eau sous la Malboire. Certitude qu’il a transmise à Zizare. Ensemble, ils vont forer la terre, sans jamais perdre espoir, et pendant ce temps, Arsen va transmettre a Zizare ce qu’il sait du Vieux Temps, et surtout lui apprendre les mots. C’est ce qui lui permet de nous transmettre cette histoire.

Plus il avance dans son récit, plus son vocabulaire s’étoffe. Chaque nouvelle découverte dans son road-trip amène la découverte ou la création de nouveaux mots. Un certain nombre de néologismes font d’ailleurs leur apparition dans le récit, car Zizare se trouve face à des éléments et des concepts qui lui sont inconnus. Et pour comprendre et assimiler ces nouveautés, il lui faut les nommer.

Cette histoire qui se situe dans un futur terriblement plausible pour notre planète. Le manque d’eau potable sera un enjeu crucial des décennies à venir. Camille Leboulanger nous livre ici une version cruelle de ce futur, où les grands groupes chimiques ont gagné et on tué la terre et l’eau. C’est une version de notre futur tellement plausible qu’elle en est effrayante. Comme le dit l’éditeur, ce roman se lit au futur antérieur. On a à fois l’impression que ces événements sont loin de nous, mais qu’ils ont en même temps un côté inéluctable.

L’auteur nous livre ici un cri d’alarme, mais surtout une fable écologique pleine de poésie et d’espoir, malgré les erreurs humaines. Une quête de l’eau, de la vie, du renouveau, au travers des mots. Le langage et la compréhension du monde qui nous entoure sera notre salut. Tant que nous ne comprendrons pas, ou n’admettrons pas l’urgence de la situation, nous risquerons de nous trouver un jour, nous ou nos descendants, confrontés à la Malboire.

Ce roman a été un coup de cœur pour plusieurs raisons, la première étant l’incroyable plume de Camille Leboulanger, et son amour des mots qui transpire de son texte. La deuxième est que ce texte nous donne une possibilité de plus d’ouvrir les yeux, et d’éviter, peut-être, s’il n’est pas trop tard, la catastrophe écologique qui nous fonce dessus.

Ce livre a été publié dans la collection La dentelle du Cygne, et c’est vraiment de la dentelle. Camille Leboulanger est un auteur à suivre. A même pas trente ans, c’est son troisième roman publié, sans compter quelques nouvelles dans des anthologies, et j’ai bien l’intention de découvrir son premier texte, que je n’ai pas encore lu, et qui semble lui traiter de l’absence de nuit, paru aussi chez L’Atalante.

- Sophie, le 04 octobre 2018. 

Publié le 12 octobre 2018

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