Les Chroniques de l'Imaginaire

Gavir connaît sa place et son avenir : il est un esclave de la maison Arcamand, et plus tard il remplacera Everra, le professeur qui enseigne à tous les enfants de la maison, maîtres et esclaves. Et il ne parle qu'à sa soeur aînée, Callo, de ces "souvenirs" qui lui viennent d'évènements qui ne se sont encore jamais produits. Gavir serait parfaitement heureux sans Holby, fils bâtard du Père, dont les règles ont fait un esclave, et qui en souffre violemment, et sans Torm, le fils cadet brutal du Père, qui le préfère à son aîné Yaven. Gavir enfant ne sait pas que sa place, son avenir et tout ce qu'il aime vont un jour laisser place à un mur noir, sans mémoire, d'où n'émergeront, peu à peu, que les vers qu'il a appris.

Pouvoir de se souvenir, pouvoir de dire, pouvoir de tuer, ou de sauver, pouvoir sur l'autre en général, tous ces différents pouvoirs sont au coeur de ce roman, sous-tendu par une réflexion sur l'origine du pouvoir et sa fin : d'où vient-il ? comment l'obtient-on ? Est-il légitime d'utiliser quelque moyen que ce soit pour l'obtenir ? Y a-t'il quelque chose de plus important ? Le Guin y remet donc sur le métier un thème illustré, notamment, dans Terremer.

Bien sûr, elle y poursuit la réflexion sur la liberté et l'esclavage, quelle que soit la forme que ce dernier prenne, qu'elle avait abordée dans les tomes précédents. On y retrouve aussi (c'est une constante dans toute son oeuvre) le thème de la différence homme/femme, dans cette illustration extrême qu'est la vie si codifiée des gens du Marais. Enfin, est déclinée sous une autre forme encore l'importance de la culture, comme instrument de liberté et de connaissance de soi autant que du monde.

Tout cela dans une langue très lisible pour le lecteur adolescent à qui le roman est destiné, et qui ne pourra que s'attacher aux personnages de son âge qui le peuplent. L'action y est quasi constante, ce qui encouragera le jeune lecteur à poursuivre. Enfin, s'il peut bien sûr se lire seul, on aura davantage de plaisir à lire la fin si on sait qui sont les personnages qui y apparaissent.

Il n'y a rien d'étonnant à ce que ce roman habile et abouti, que les adultes prendront également beaucoup de plaisir à lire, ait obtenu le prix Nebula en 2008.

 

Mureliane - Les chroniques de l'imaginaire

Publié le 12 mai 2011

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