Le favori des médias Mais l’ancien Premier ministre est encore loin d’être élu. “Les réformateurs ont réussi à mobiliser la population, bien plus que lors de l’élection de 2005, parce que la classe moyenne urbaine en a assez de la politique d’Ahmadinejad, qui a réduit les libertés des jeunes et des femmes”, concède Marie Ladier-Fouladi, sociodémographe spécialiste de l’Iran, chargée de recherche au CNRS (Iran, un monde de paradoxes, Editions l’Atalante, 2009). Plus encore que l’atteinte aux libertés, beaucoup d’Iraniens fustigent la politique économique du président : l’inflation tourne autour de 25%, et une grande partie de la population s’est appauvrie ces quatre dernières années. L’économie était logiquement en tête des préoccupations des électeurs dans cette campagne. “Mais ce mécontentement vaut surtout pour Téhéran. Je doute que le camp réformateur puisse mobiliser autant dans les provinces”, nuance-t-elle. Les paysans ont en effet été les principaux bénéficiaires de la politique clientéliste du président sortant. A l’échelle du pays, la popularité de celui qui est devenu la bête noire de l’Occident demeure donc réelle. Lundi soir, pendant que les partisans de Moussavi formaient une chaîne humaine sur la plus longue avenue de Téhéran, des dizaines de milliers de militants pro-Ahmadinejad s’étaient rassemblés au complexe de prière de l'Imam Khomeiny. “Moussavi, laisse la révolution tranquille !”, scandait la foule, chauffée à blanc par des orateurs. Mahmoud Ahmadinejad a aussi tout l’appareil d’Etat et les médias avec lui. “Il peut tout à fait bourrer les urnes ou recourir à la fraude, comme cela a probablement été le cas en 2005, même si les autres candidats n’ont finalement pas porté plainte”, rappelle la chercheuse. Les observateurs du scrutin craignent également que les Gardiens de la révolution, les milices Basij ou les fonctionnaires soient fortement “encouragés” à voter Ahmadinejad. Reste une inconnue : “En 1997, le réformateur Mohamed Khatami a été élu à 80% des voix : c’était le choix des femmes et des jeunes”, rappelle Marie Ladier-Fouladi. La plus importante organisation étudiante a cette fois pris parti pour le réformateur Mehdi Karoubi. “Car cet électorat a été terriblement déçu par les huit années de pouvoir de Khatami”. Ces deux groupes sociaux, premières victimes du retour à un certain “ordre moral” orchestré par Mahmoud Ahmadinejad, vont-ils à nouveau faire confiance aux réformateurs ? Si les femmes sont nombreuses dans les meetings de Mehdi Karoubi et Mir Hossein Moussavi, elles sont aussi présentes parmi les partisans d’Ahmadinejad. “Les réformateurs ont un vrai handicap : leur électorat est divisé entre Moussavi et Karoubi, qui est lui aussi assez populaire”, note Marie Ladier-Fouladi. La rivalité entre les deux “clans” réformateurs pourrait favoriser Mahmoud Ahmadinejad, même s’il apparaît aujourd’hui à beaucoup d’Occidentaux comme un vestige de l’ère Bush.   Nina Hubinet, TelQuel, 23 juin 2009

Ladier Fouladi - Iran un monde de paradoxes - Telquel
Le favori des médias
Mais l’ancien Premier ministre est encore loin d’être élu. “Les réformateurs ont réussi à mobiliser la population, bien plus que lors de l’élection de 2005, parce que la classe moyenne urbaine en a assez de la politique d’Ahmadinejad, qui a réduit les libertés des jeunes et des femmes”, concède Marie Ladier-Fouladi, sociodémographe spécialiste de l’Iran, chargée de recherche au CNRS (Iran, un monde de paradoxes, Editions l’Atalante, 2009). Plus encore que l’atteinte aux libertés, beaucoup d’Iraniens fustigent la politique économique du président : l’inflation tourne autour de 25%, et une grande partie de la population s’est appauvrie ces quatre dernières années. L’économie était logiquement en tête des préoccupations des électeurs dans cette campagne. “Mais ce mécontentement vaut surtout pour Téhéran. Je doute que le camp réformateur puisse mobiliser autant dans les provinces”, nuance-t-elle. Les paysans ont en effet été les principaux bénéficiaires de la politique clientéliste du président sortant. A l’échelle du pays, la popularité de celui qui est devenu la bête noire de l’Occident demeure donc réelle. Lundi soir, pendant que les partisans de Moussavi formaient une chaîne humaine sur la plus longue avenue de Téhéran, des dizaines de milliers de militants pro-Ahmadinejad s’étaient rassemblés au complexe de prière de l'Imam Khomeiny. “Moussavi, laisse la révolution tranquille !”, scandait la foule, chauffée à blanc par des orateurs.
Mahmoud Ahmadinejad a aussi tout l’appareil d’Etat et les médias avec lui. “Il peut tout à fait bourrer les urnes ou recourir à la fraude, comme cela a probablement été le cas en 2005, même si les autres candidats n’ont finalement pas porté plainte”, rappelle la chercheuse. Les observateurs du scrutin craignent également que les Gardiens de la révolution, les milices Basij ou les fonctionnaires soient fortement “encouragés” à voter Ahmadinejad.
Reste une inconnue : “En 1997, le réformateur Mohamed Khatami a été élu à 80% des voix : c’était le choix des femmes et des jeunes”, rappelle Marie Ladier-Fouladi. La plus importante organisation étudiante a cette fois pris parti pour le réformateur Mehdi Karoubi. “Car cet électorat a été terriblement déçu par les huit années de pouvoir de Khatami”. Ces deux groupes sociaux, premières victimes du retour à un certain “ordre moral” orchestré par Mahmoud Ahmadinejad, vont-ils à nouveau faire confiance aux réformateurs ? Si les femmes sont nombreuses dans les meetings de Mehdi Karoubi et Mir Hossein Moussavi, elles sont aussi présentes parmi les partisans d’Ahmadinejad. “Les réformateurs ont un vrai handicap : leur électorat est divisé entre Moussavi et Karoubi, qui est lui aussi assez populaire”, note Marie Ladier-Fouladi. La rivalité entre les deux “clans” réformateurs pourrait favoriser Mahmoud Ahmadinejad, même s’il apparaît aujourd’hui à beaucoup d’Occidentaux comme un vestige de l’ère Bush.
 
Nina Hubinet, TelQuel, 23 juin 2009
Publié le 23 juin 2009

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