« Toutes les relectures ne sont pas toujours des réussites mais pour Déchiffrer la trame, cela n’a été que du bonheur. »

Nevertwhere
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Lorsque j’étais au lycée, je fréquentais une bibliothèque municipale dotée d’un fonds SFFF correct qui m’a permis de lire tous les classiques, mais où les nouveautés étaient rares. Cependant, j’ai trouvé une fois trois recueils de nouvelles sur la table des nouveautés et je me suis pris une belle baffe dans la figure en les lisant. C’était les trois premiers recueils de nouvelles de Jean-Claude Dunyach, et il était grand temps presque 20 ans après (ouch) de replonger dans celui qui m’avait le plus marquée…
 
Composé de neuf nouvelles inédites ou publiées dans différentes revues entre 1985 et 1998, Déchiffrer la trame est le troisième recueil de Jean-Claude Dunyach édité par l’Atalante. Il propose des textes de toutes les tailles sur des thématiques assez variées. Ainsi on naviguera de la fantasy à la SF, du passé au futur et de l’humour au drame, en compagnie d’aliens, de fées et même d’un bibliothécaire du futur. Voyons un peu tout cela en détail.
 
Et on commence avec du lourd, du très lourd. En fait si j’ai voulu relire ce recueil, c’est principalement pour la première nouvelle, Déchiffrer la trame, qui donne son titre à l’ouvrage. Elle nous invite à s’intéresser aux collections d’un musée, et plus particulièrement à un tapis qui recèle dans ses fils un récit très particulier.
 
C’est peut-être parce qu’à l’époque, je me destinais encore à un travail dans les musées ou dans le domaine de l’archéologie que ce récit m’a beaucoup touchée. Toujours est-il que bien des années plus tard, en le relisant, je suis immédiatement retombée sous son charme, car je ne peux tout simplement pas résister à un récit qui montre comment faire parler des objets anciens, et qui rappelle avec brio que l’Histoire c’est aussi une multitude de petites histoires, et c’est pour cela que les tessons de poterie sont parfois plus importants que les statues en or.
 
Et si cela ne suffit pas, ce texte a reçu le Grand Prix de l’Imaginaire et le Rosny Aîné en 1998. Bref, lisez cette nouvelle. C’est mon un troisième paragraphe à son sujet, cela devrait être un argument de poids, non ?
 
Après cette superbe première nouvelle, on enchaîne sur La Dynamique de la révolution, une uchronie où Napoléon n’a pas fini ses jours à Sainte-Hélène. Ce thème est un peu le grand classique du genre, mais le ton assez mélancolique de la nouvelle donne toute sa saveur à ce texte.
 
Le texte suivant, Les Pleureurs de monde, est un récit de nouveau assez mélancolique, mettant en scène de curieuses créatures nettoyant les mondes morts. Ceci dit contre toutes attentes, loin d’être sinistre, cette nouvelle dégage une tristesse étrangement agréable à la lecture.
 
Changement de registre avec Nourriture pour dragons, une nouvelle plutôt rigolote où une créature de fantasy se rend dans notre monde, avec tout le lot d'incompréhension que cela entraîne quand elle est confrontée à notre monde moderne alors qu'elle n'en connaissait que la version médiévale. Les références d'actualité sont un peu datées aujourd'hui, mais cela n’enlève rien à son charme.
 
Le Système B.O.R.G.E.S. est une nouvelle qui parle de bibliothèques du futur, de textes anciens et d’informatique. Cela ne pouvait que me plaire. J’ai forcément adoré. C’est juste délicieux, à la fois drôle et émerveillant sur la fin.
 
Retour à la fantasy avec Regarde-moi quand je dors, mais cette fois-ci sans l’humour. Racontant l’histoire d’un jeune garçon qui avale une fée et des conséquences qui s’en suivent, cette nouvelle va vous briser le cœur. Ou vous donner envie de frapper des gens. Ou les deux. Superbe récit en tout cas.

Comme pour éviter de nous faire sombrer dans la dépression, on enchaîne sur M.D.I.K., une pochade de deux pages qui essaye de nous vendre la parfaite panoplie du missionnaire de l'espace. Rien d’exceptionnel mais cette petite pause légère fait du bien.
 
Le Harponneur du phare est un récit mystérieux et franchement inclassable sur un gardien de phare atypique qui attend sa proie. Je ne suis pas sûre d’avoir tout compris mais j’ai trouvé le texte étrangement touchant (j’espère que je n’ai pas rien compris du coup !).
 
Le recueil se termine sur La Stratégie du requin, une nouvelle qui nous fait plonger dans un cyberspace à la rencontre d’un des habitants de ses profondeurs. Les parallèles avec l'océan et la bonne dose de sense of wonder font tout le charme de ce récit.
 
Toutes les relectures ne sont pas toujours des réussites mais pour Déchiffrer la trame, cela n’a été que du bonheur. Je me demande même si je n’ai pas mieux compris certains textes. Une chose est sûre, c’est là un très beau recueil, bien construit avec une belle alternance de tons et de formats très agréable.
 
Bien sûr la nouvelle Déchiffrer la trame mérite à elle-seule le détour mais le reste du recueil est fort agréable (surtout Regarde-moi quand je dors, Le Système B.O.R.G.E.S. et La Stratégie du requin pour ne pas citer tout le recueil).
 
Déchiffrer la trame, c’est donc de la très jolie SF pleine de poésie, parfois triste, parfois drôle, parfois tout ça à la fois et à peu près toujours charmante et émouvante. M’est avis que je vais sûrement poursuivre ma relecture des premiers recueils de Jean-Claude Dunyach, et rattraper ceux que j’ai raté tant qu’à faire…
Publié le 14 février 2020

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