Plus qu’un créateur d’utopies, Jean-Claude Dunyach est celui qui interroge, avec un art consommé de la subversion malicieuse, celles que se forge notre société. Qu’elle tente de répondre à ses interrogations les plus anciennes ou prétendre combler nos vœux les plus chers… C’est ce qu’il fait encore une fois dans les six nouvelles de son dernier recueil, Les harmoniques célestes, qui vient de paraître chez l’Atalante (fin avril 2011). La nouvelle-titre est un sommet. Elle s’inspire de la fascination contemporaine pour les expériences de mort imminente qui réactive l’éternel désir de Paradis comme les vieilles craintes de l’Enfer, posant la question que nous ne pourrons toujours reporter : Et à l’heure de notre mort ? L’inventeur d’une machine (conçue pour le bien de l’humanité, mais qui s’est révélée peu fiable) a tout mis en place pour se faire oublier. Un jour pourtant, où on le retrouve... La montée en tension impeccable, la subtile distillation des révélations, à l’horreur graduée, la mise en danger constante, palpable, du héros, font de ce texte un  modèle de la nouvelle à suspens. Mais ce qui en restera en mémoire, une fois la dernière page tournée, au-delà de la réflexion , puissante sur la nature du Bien et du Mal, ou du plaisir de l’histoire, c’est peut-être le souvenir élégiaque de la double histoire d’amour cruel et désespéré, dont la moins belle n’est pas celle, qui soutient le duel à mort digne d'une tragédie grecque, d’un père et de sa fille. Et le personnage de Mademoiselle restera peut-être comme l’archétype de ces héroïnes de Jean-Claude Dunyach, toutes illuminées de l’intérieur, au travers de leurs fêlures qui leur donne la splendeur d’un cristal brisé, par une telle volonté « d’être soi » qu’elles ne peuvent que s’interdire le bonheur. La fin des cerisiers (à lire, vite vite, tant que le pétale tombé, blanc et fragile, est de saison, sous quelque seringat défleurissant, pour parfaire l’illusion…), se déroule au Japon dans les années 70. Belle histoire ironique de studio de cinéma, autant que réflexion sur la disparition des cultures. Peut-on reproduire l’âme d’un pays ? Encore faudrait-il avoir l’humilité de chercher, sinon à la saisir, du moins à désirer la comprendre, l’effleurer. A part un scénariste encore naïf, quelques fantômes protégés par leur fanatisme ou leur pureté de l’universelle corruption, qui s’y risquerait encore ? Cœurs silencieux  présente le récit bouleversant d’une fin de vie exemplaire et sublime d’altruisme, célèbre (et interroge ! rien n’est jamais lisse, ni simple, nous rappelle l’auteur) le besoin si humain, si légitime, d’empathie. Aime ton ennemi ne se contente pas de pointer du doigt l’effrayante capacité de l’homme à détruire sa planète en transformant les océans en poubelle. Il met en cause la certitude encore plus effrayante des scientifiques à prétendre trouver à tout ce gâchis des solutions sans jamais calculer le prix humain à payer. Repli sur soie entrelace (comme on plie et replie la soie des carrés d’origami) les thèmes des univers parallèles et des personnalités multiples. Visiteur secret clôt le volume par une note plus légère, le joyeux récit d’initiation sexuelle d’une adolescente sans complexes, où le voyage dans le temps devient le prétexte délicieux (et malicieux) d’un fugitif embarquement pour Cythère. L’ensemble est une petite merveille de maturité. Sa réussite, le fruit d’un équilibre entre quatre éléments bien maîtrisés : une écriture sensible, poétique, traversée de fulgurances,; un art  consommé des descriptions et des décors (deux îles, dans ce recueil…deux pures merveilles !) ; l’originalité des thèmes abordés ou de leur renouvellement ; la mise au point minutieuse des intrigues. Les chutes, réglées au millimètre, s’inscrivent de façon cohérente dans l’un des possibles imaginés par le lecteur… tout en parvenant à le surprendre encore. On pourra, c’est le choix que j’ai fait en relecture, préférer approcher ces six textes à rebours, pour sentir frémir une autre montée en tension, laisser vibrer d’autres harmoniques, voir apparaître en filigrane un message un peu différent… Mais on ne se pardonnerait pas de passer à côté de ce recueil ! Magali Duru - magali.duru.over-blog.com  

Dunyach - Les Harmoniques célestes - magali.duru.over-blog.com

Plus qu’un créateur d’utopies, Jean-Claude Dunyach est celui qui interroge, avec un art consommé de la subversion malicieuse, celles que se forge notre société. Qu’elle tente de répondre à ses interrogations les plus anciennes ou prétendre combler nos vœux les plus chers… C’est ce qu’il fait encore une fois dans les six nouvelles de son dernier recueil, Les harmoniques célestes, qui vient de paraître chez l’Atalante (fin avril 2011).

La nouvelle-titre est un sommet. Elle s’inspire de la fascination contemporaine pour les expériences de mort imminente qui réactive l’éternel désir de Paradis comme les vieilles craintes de l’Enfer, posant la question que nous ne pourrons toujours reporter : Et à l’heure de notre mort ?

L’inventeur d’une machine (conçue pour le bien de l’humanité, mais qui s’est révélée peu fiable) a tout mis en place pour se faire oublier. Un jour pourtant, où on le retrouve... La montée en tension impeccable, la subtile distillation des révélations, à l’horreur graduée, la mise en danger constante, palpable, du héros, font de ce texte un  modèle de la nouvelle à suspens. Mais ce qui en restera en mémoire, une fois la dernière page tournée, au-delà de la réflexion , puissante sur la nature du Bien et du Mal, ou du plaisir de l’histoire, c’est peut-être le souvenir élégiaque de la double histoire d’amour cruel et désespéré, dont la moins belle n’est pas celle, qui soutient le duel à mort digne d'une tragédie grecque, d’un père et de sa fille. Et le personnage de Mademoiselle restera peut-être comme l’archétype de ces héroïnes de Jean-Claude Dunyach, toutes illuminées de l’intérieur, au travers de leurs fêlures qui leur donne la splendeur d’un cristal brisé, par une telle volonté « d’être soi » qu’elles ne peuvent que s’interdire le bonheur.

La fin des cerisiers (à lire, vite vite, tant que le pétale tombé, blanc et fragile, est de saison, sous quelque seringat défleurissant, pour parfaire l’illusion…), se déroule au Japon dans les années 70. Belle histoire ironique de studio de cinéma, autant que réflexion sur la disparition des cultures. Peut-on reproduire l’âme d’un pays ? Encore faudrait-il avoir l’humilité de chercher, sinon à la saisir, du moins à désirer la comprendre, l’effleurer. A part un scénariste encore naïf, quelques fantômes protégés par leur fanatisme ou leur pureté de l’universelle corruption, qui s’y risquerait encore ?

Cœurs silencieux  présente le récit bouleversant d’une fin de vie exemplaire et sublime d’altruisme, célèbre (et interroge ! rien n’est jamais lisse, ni simple, nous rappelle l’auteur) le besoin si humain, si légitime, d’empathie.

Aime ton ennemi ne se contente pas de pointer du doigt l’effrayante capacité de l’homme à détruire sa planète en transformant les océans en poubelle. Il met en cause la certitude encore plus effrayante des scientifiques à prétendre trouver à tout ce gâchis des solutions sans jamais calculer le prix humain à payer.

Repli sur soie entrelace (comme on plie et replie la soie des carrés d’origami) les thèmes des univers parallèles et des personnalités multiples.

Visiteur secret clôt le volume par une note plus légère, le joyeux récit d’initiation sexuelle d’une adolescente sans complexes, où le voyage dans le temps devient le prétexte délicieux (et malicieux) d’un fugitif embarquement pour Cythère.

L’ensemble est une petite merveille de maturité. Sa réussite, le fruit d’un équilibre entre quatre éléments bien maîtrisés : une écriture sensible, poétique, traversée de fulgurances,; un art  consommé des descriptions et des décors (deux îles, dans ce recueil…deux pures merveilles !) ; l’originalité des thèmes abordés ou de leur renouvellement ; la mise au point minutieuse des intrigues. Les chutes, réglées au millimètre, s’inscrivent de façon cohérente dans l’un des possibles imaginés par le lecteur… tout en parvenant à le surprendre encore.

On pourra, c’est le choix que j’ai fait en relecture, préférer approcher ces six textes à rebours, pour sentir frémir une autre montée en tension, laisser vibrer d’autres harmoniques, voir apparaître en filigrane un message un peu différent…

Mais on ne se pardonnerait pas de passer à côté de ce recueil !

Magali Duru - magali.duru.over-blog.com

 

Publié le 9 mai 2011

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