Ce qui reste après la lecture, c'est ce ton particulier, bourré d'humour et de tendresse pour les personnages, la richesse de l'imagination, le rythme vif qui emporte le lecteur ou la lectrice.

La Guilde des Queues de chats morts - Chroniques de l'imaginaire
Article Original

Quand son collègue Fennis lui présente un contrat pour "expédier" quelqu'un, Eveen ne s'étonne ni ne se renseigne. Après tout, c'est normal, c'est son travail. En effet, depuis sa mort, Eveen s'est vouée pour un siècle à la déesse Aeril, Matrone des assassins professionnels. Leurs règles sont simples, et la plus importante est d'honorer tout contrat qu'on a signé.

Mais quand Eveen arrive à l'adresse qu'on lui a indiquée, elle découvre qu'on l'a envoyée éliminer une jeune femme qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Abasourdie par ce mystère, elle décide que trancher la gorge de sa victime désignée peut attendre un peu, et elle va chercher un conseil auprès de Fennis. Celui-ci va l'emmener consulter son frère, un thaumaturge qui confirme qu'en effet la jeune vivante, surnommée Azur, est une autre version d'Eveen, venue d'un autre temps.

De là, Eveen va consulter Basima, la cheffe de la Guilde à laquelle elle appartient, qui lui révèle le nom du commanditaire de l'assassinat, mais informe Eveen qu'elle est obligée de remplir son contrat. Si elle ne le fait pas, les conséquences seront sévères, tant pour la Guilde que pour elle-même. Sauf si Eveen est elle-même détruite, bien sûr...

Après ce début haletant, les péripéties vont s'enchaîner jusqu'à la dernière page. Comme d'habitude avec cet auteur, on n'a pas vraiment le temps de souffler dans cette histoire. Les personnages sont peu nombreux, mais intéressants, comme l'est l'univers évoqué, surtout si l'on songe au format court.

Dans cette novella, on va voir évoluer, dans une ville à l'ambiance moyen-orientale, qui évoque pourtant de très loin Venise ou La Nouvelle-Orléans, un Festival basé sur un mythe de fondation toujours agissant. C'est d'ailleurs un autre thème de ce court roman que la mise en relief de l'importance de la littérature dite populaire, des histoires lues et aimées, pour aider à vivre et résoudre des difficultés a priori insurmontables.

Un autre thème, central celui-là, est celui de la mémoire et de l'identité : même quand ils sont ressuscités, les morts oublient tout ce qu'ils ont été. La seule identité que se connaisse Eveen est liée à son travail d'assassin, et c'est l'une des choses qui la troublent dans sa rencontre avec Azur. On peut être un peu frustré du manque de développement de cette thématique aussi foisonnante que passionnante, mais P. Djèli Clark écrit court. Il le fait à merveille, d'ailleurs, ce qui fait qu'on accepte de ne pas tout savoir de ses personnages et de son univers une fois la dernière page tournée.

Ce qui reste après la lecture, c'est ce ton particulier, bourré d'humour et de tendresse pour les personnages, la richesse de l'imagination, le rythme vif qui emporte le lecteur ou la lectrice. On dira de Tal Abisi ce qu'on a dit du Caire ou de la Nouvelle-Orléans de l'auteur : allez-y, vous n'en reviendrez pas !

Publié le 11 juin 2025

à propos de la même œuvre