Entre roman mystique, manifeste queer et conte philosophique, La Dernière Tentation de Judas est une œuvre totale.

La Dernière Tentation de Judas - Les Mille Mondes
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Paru chez les éditions l’Atalante et lauréat du Prix des Utopiales 2025, La Dernière Tentation de Judas signe le retour de Philippe Battaglia avec un roman incandescent, mystique et queer. L’auteur y revisite les Évangiles à travers la figure de Judas, apôtre maudit et immortel, dans une fresque où se mêlent spiritualité, révolte et désir.

Entre apocalypse et rédemption, Battaglia fait de son héros un symbole de résistance et d’amour libre.

L’histoire

Dans une Rome crépusculaire et contemporaine, Judas erre parmi les sans-abri. Maudit depuis sa trahison, il ne peut mourir et revit sans cesse la douleur d’avoir aimé et perdu Jésus.

Lorsqu’un évangile apocryphe attribué à Satan refait surface, une promesse s’esquisse : celle d’une rédemption possible. Pour l’atteindre, Judas doit retrouver les trente pièces d’argent et affronter les démons de son passé.

Accompagné de Marie de Magdala, flamboyante et libre, de Lazare et d’apôtres aux identités multiples, il entame une quête spirituelle et charnelle qui le mènera des catacombes romaines aux trésors du Vatican.

Un roman mystique et charnel

Philippe Battaglia tisse une œuvre où la foi se confond avec la chair. Le sacré et le profane s’y enlacent dans une prose baroque, vibrante, presque hallucinée.

Le récit se lit comme une liturgie renversée : Judas, symbole du péché, devient un prophète d’amour. Jésus n’est plus seulement le Christ divin, mais l’être aimé, charnel, que la religion a voulu effacer du désir.

Le texte brûle de symboles : le corps comme temple, la foi comme combat, l’amour comme transgression. La plume de l’auteur, dense et lyrique, évoque un mysticisme charnel qui rappelle Genet ou Pasolini, mais avec une tendresse nouvelle.

Marie de Magdala, lumière féminine et féministe

Figure importante du roman, Marie de Magdala transcende les représentations patriarcales. Elle n’est plus la pécheresse repentie, mais une femme solaire, souveraine, protectrice et libre de son corps et de sa foi.

À travers elle, Battaglia redonne voix à celles que l’histoire a réduites au silence. Elle incarne la puissance du pardon, mais aussi la révolte contre les dogmes : une icône féministe avant l’heure.

Des apôtres contemporains, miroirs de nos blessures

Les apôtres, immortels eux aussi, deviennent les témoins de nos angoisses modernes. Certains sont devenus cyniques, d’autres se sont réinventés. On y croise des figures trans, désabusées ou révoltées.

Chacun porte une part de l’humanité brisée : la solitude, la honte, la quête d’identité. Cette diversité donne au roman une résonance universelle, profondément humaine.

Une écriture en excès, mais nécessaire

La prose de Battaglia est foisonnante, baroque, parfois vertigineuse. Elle déborde d’images et de références, convoquant la Bible, la mythologie et la culture queer.
Ce trop-plein peut désarçonner, mais c’est aussi sa force : La Dernière Tentation de Judas refuse la tiédeur. Le roman déborde, brûle, se consume et c’est dans cette incandescence que naît sa beauté.

Entre roman mystique, manifeste queer et conte philosophique, La Dernière Tentation de Judas est une œuvre totale. Philippe Battaglia y célèbre la liberté d’aimer, la foi désobéissante et la puissance des corps.
Judas n’est plus un traître : il devient le visage de toutes celles et tous ceux que l’histoire a condamnés pour avoir aimé autrement.
Un livre incandescent, à lire comme une prière renversée.

Publié le 4 décembre 2025

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