Bienvenue dans La Dernière Tentation de Judas, un roman incandescent où Philippe Battaglia dynamite la Bible, bouscule les dogmes et fait danser les apôtres sur un air queer et apocalyptique.
Dans un Rome contemporain crépusculaire, Judas erre parmi les sans-abri. Il est immortel, maudit, condamné à revivre mille fois le même chagrin : avoir aimé Jésus, l’avoir trahi, et ne jamais pouvoir mourir. Chaque nuit, il tente de mettre fin à sa vie. Chaque matin, il se réveille encore.
Mais lorsqu’un évangile apocryphe attribué à Satan resurgit, tout bascule. Il promet la rédemption : s’il retrouve les trente pièces d’argent, Judas pourrait enfin atteindre la vérité et peut-être revoir celui qu’il aime.
Accompagné d’une Marie de Magdala flamboyante, symbole de puissance et de douceur, d’un Lazare désabusé et d’apôtres aux identités aussi multiples que les genres qu’ils incarnent, Judas s’embarque dans une quête vertigineuse. Ensemble, ils affrontent les fantômes du passé, les puissances de l’Église et leurs propres démons. De Rome à Londres, des catacombes aux salons dorés du Vatican, Battaglia fait se rencontrer la spiritualité et la révolte, l’amour et la colère, le sacré et le charnel.
Philippe Battaglia signe ici une œuvre totale et viscérale, à la croisée du roman mystique, du manifeste queer et du conte philosophique.
Son Judas n’est plus un traître mais un homme en lutte contre l’histoire, un être queer avant l’heure, qui refuse les cases, les dogmes, la punition. Son amour pour Jésus devient une métaphore brûlante de la liberté : aimer qui l’on veut, croire autrement, résister à l’ordre établi.
La plume est foisonnante, baroque, électrique : elle ose la crudité, le lyrisme, la tendresse. Battaglia écrit avec une intensité quasi charnelle ; ses mots claquent comme des incantations. On y croise un Dieu silencieux, une Église patriarcale sur la défensive, et des femmes puissantes qui reprennent la parole. Marie de Magdala, surtout, rayonne comme une déesse féministe avant l’heure : celle qui refuse d’être réduite à la “pécheresse repentie” et devient l’incarnation du pardon et de la force.
Chaque apôtre immortel reflète nos blessures contemporaines : la solitude, la culpabilité, la quête d’identité. Certains sont devenus fous, d’autres cyniques ; certains se sont réinventés, libres, transgenre, insoumis. Cette diversité rend le roman vibrant, profondément humain.
La richesse du texte peut parfois étouffer : tant d’idées, de visions, de symboles ! Battaglia ne craint pas l’excès, et c’est parfois vertigineux. Certains passages demandent de respirer, d’accepter le trop-plein. Mais c’est aussi ce bouillonnement qui fait la singularité du livre : il refuse le tiède. Il brûle, il déborde, il vit.
La Dernière Tentation de Judas est un roman qui gronde, qui embrase, qui console. Philippe Battaglia y célèbre les corps, la foi, la colère et le droit d’exister autrement. Judas n’est plus un traître : il devient le symbole de toutes celles et ceux qu’on a condamnés pour avoir aimé autrement.
Un roman coup de poing, couronné par le Prix Utopiales 2025, à lire d’urgence si tu crois que la littérature peut et doit déranger.