Quand l'un des auteurs phares de la SF américaine s'attaque au mythe historique... ou la mise en forme moderne du plus ancien texte de l'histoire de la littérature par un écrivain féru de légende et d'antiquité. Car L'épopée de Gilgamesh nous entraîne à la source même de l'histoire, quand les hommes commencent à peine à prendre conscience du formidable outil qu'est récriture ; nous sommes en 3500 avant J.C. en Sumer, Mésopotamie, terre arable flanquée du Tigre et le l'Euphrate, les deux fleuves semi- mythiques. Là, est inventé le premier alphabet, utilisé tout d'abord pour tenir les comptes et inventaires du palais. Puis. dans le but de transmettre aux générations futures les vieilles traditions orales, les légendes merveilleuses, ou les exploits de souverains héroïques ayant profondément marqué l'imaginaire d'un peuple : Gilgamesh est de ceux-ci, souverain d'Ourouk, au sud du Pays originel. On peut considérer cette "épopée", comme la quintessence poétique de cet art qui nous obsède tant depuis ! Aussi quelle ambition que de vouloir la transposer dans le cadre étriqué du roman ! Mais Robert Silverberg nous a déjà prouvé qu'il détient le souffle nécessaire, qu'il est coutumier de l'épique (songez à son univers Majipoor : la saga de Lord Valentin en trois tomes chez Ailleurs et Demain, aux Monades Urbaines...). Il se plonge alors dans la peau de Gilgamesh lui-même et rédige ses mémoires. Le style "antiquise" parfois à outrance, mais ne rebute jamais, et. des intrigues de palais après la mort du souverain Luganbanda, père du héros, à la pénible accession au pouvoir de ce dernier, comme tout au long de sa quête de l'immortalité, le charme désuet des légendes sumériennes s'allie au sens de la narration de ce grand professionnel qu'est Silverberg. Si depuis toujours la littérature fantastique et la SF puisent allègrement leur inspiration dans la mane du mythe antique (quand elles ne le plagient pas franchement...) adapter L'épopée de Gilgamesh relevait d'une gageure particulière ; il fallait éviter de céder à la naïveté de l'essence même du mythe, et c'est chose faite, grâce, en particulier, aux solides connaissances en histoire antique digérées par Silverberg. Son Gilgamesh, roi d'Ourouk, plus qu'une louange, est une chronique la plus fidèle possible de la vie de palais de l'époque, où les hommes se mêlaient étroitement aux dieux, tout du moins à leurs représentants sur terre. Et c'est aussi, fort heureusement, une originale saga en miniature, au parfum d'encens et d'huiles rares. Stéphane Boillot, La Nef hallucinée

Silverberg - Gilgamesh, roi d'Ourouk - La nef hallucinée

Quand l'un des auteurs phares de la SF américaine s'attaque au mythe historique... ou la mise en forme moderne du plus ancien texte de l'histoire de la littérature par un écrivain féru de légende et d'antiquité. Car L'épopée de Gilgamesh nous entraîne à la source même de l'histoire, quand les hommes commencent à peine à prendre conscience du formidable outil qu'est récriture ; nous sommes en 3500 avant J.C. en Sumer, Mésopotamie, terre arable flanquée du Tigre et le l'Euphrate, les deux fleuves semi- mythiques. Là, est inventé le premier alphabet, utilisé tout d'abord pour tenir les comptes et inventaires du palais. Puis. dans le but de transmettre aux générations futures les vieilles traditions orales, les légendes merveilleuses, ou les exploits de souverains héroïques ayant profondément marqué l'imaginaire d'un peuple : Gilgamesh est de ceux-ci, souverain d'Ourouk, au sud du Pays originel. On peut considérer cette "épopée", comme la quintessence poétique de cet art qui nous obsède tant depuis ! Aussi quelle ambition que de vouloir la transposer dans le cadre étriqué du roman ! Mais Robert Silverberg nous a déjà prouvé qu'il détient le souffle nécessaire, qu'il est coutumier de l'épique (songez à son univers Majipoor : la saga de Lord Valentin en trois tomes chez Ailleurs et Demain, aux Monades Urbaines...). Il se plonge alors dans la peau de Gilgamesh lui-même et rédige ses mémoires. Le style "antiquise" parfois à outrance, mais ne rebute jamais, et. des intrigues de palais après la mort du souverain Luganbanda, père du héros, à la pénible accession au pouvoir de ce dernier, comme tout au long de sa quête de l'immortalité, le charme désuet des légendes sumériennes s'allie au sens de la narration de ce grand professionnel qu'est Silverberg.

Si depuis toujours la littérature fantastique et la SF puisent allègrement leur inspiration dans la mane du mythe antique (quand elles ne le plagient pas franchement...) adapter L'épopée de Gilgamesh relevait d'une gageure particulière ; il fallait éviter de céder à la naïveté de l'essence même du mythe, et c'est chose faite, grâce, en particulier, aux solides connaissances en histoire antique digérées par Silverberg. Son Gilgamesh, roi d'Ourouk, plus qu'une louange, est une chronique la plus fidèle possible de la vie de palais de l'époque, où les hommes se mêlaient étroitement aux dieux, tout du moins à leurs représentants sur terre. Et c'est aussi, fort heureusement, une originale saga en miniature, au parfum d'encens et d'huiles rares.

Stéphane Boillot, La Nef hallucinée
Publié le 18 juin 2009

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