La nouvelle pépite de science-fiction humoristique de John Scalzi sera disponible le 18 septembre chez L’Atalante. Après nous avoir fait visiter l’espace, un monde parallèle rempli de kaijus ou encore l’île d’un supervilain, l’auteur californien s’attaque cette fois-ci à notre bon vieux satellite naturel. Mais derrière cette histoire loufoque de Lune transformée en fromage, c’est comme toujours une critique fine et mordante de la société que propose Scalzi.
Rien ne va plus
Un jour tout va bien et puis il suffit de lever les yeux au ciel pour s’apercevoir que rien ne va plus ! Là, sans aucune explication, on s’aperçoit que la Lune s’est changée en fromage. Pardon, en « matière organique », comme préfère le dire la Nasa ! Entre les astronautes dépités, les médias surexcités, les complotistes en roue libre, les gouvernements qui tentent de gérer la crise, les fidèles qui s’interrogent sur la raison divine derrière tout ça ou encore les milliardaires qui veulent tous un morceau de Lune à gouter, toute l’humanité s’en trouve bouleversée. Serait-ce la fin du monde, ou bien le début d’une nouvelle ère ?
Objectif lune
Si l’on retrouve le style et l’humour caractéristiques de John Scalzi, l’auteur abandonne pour une fois son découpage classique et son personnage principal unique. À la place, les chapitres correspondent aux jours qui suivent la transformation de la Lune et les points de vue sont multiples, au-delà du récit choral, puisque chaque nouvelle journée nous permet de rencontrer un nouveau protagoniste dont la lune de fromage va affecter la vie. Certains d’entre eux reviennent à d’autres moments du récit, mais beaucoup ne sont là que le temps de quelques pages. Si cela peut paraître déroutant, c’est en réalité brillant, car ici, la véritable héroïne, c’est la lune.
Outre son côté science-fictionnel (car, oui, il y a de vraies recherches sur ce qui pourrait se produire si la lune changeait de composition), le roman, en présentant des tranches de vie diverses et variées, parvient à faire rire et à émouvoir. Comme souvent dans les récits de Scalzi, la société en prend pour son grade, qu’il s’agisse des politiciens, des ultrariches qui cherchent à concurrencer la NASA (coucou Elon) ou des banques. Même si l’on ne les croise que sur une courte partie du récit, certains personnages parviennent à se montrer touchants. Ainsi, l’histoire d’une jeune écrivaine qui cherche à percer dans le monde du livre devrait parler à beaucoup d’auteurices en herbe, celle des trois vieux copains qui envisagent la fin du monde est une magnifique ode à l’amitié et la visite de Jackie à son ex-mari mourant est également pleine de sensibilité.
Bien que les points de vue soient multiples, n’allez pas croire que l’aventure est décousue, loin de là. Elle suit l’évolution des hypothèses scientifiques et de la compréhension du phénomène par le grand public et se conclue même brillamment par une excellente leçon sur la manière dont les événements sont compris, interprétés et évalués avec le temps. L’auteur nous rappelle ainsi qu’un jour nous ne serons qu’un détail de l’histoire pour les humains du futur, et que notre manière d’envisager le monde n’est valide qu’au sein de notre société contemporaine. C’est aussi une leçon : l’humanité oublie vite et est prompte à réinterpréter les événements pour les faire coller à ses croyances. Une réalité pas toujours très joyeuse, mais qui est ici traitée avec dérision et philosophie, comme l’auteur sait si bien le faire. Soulignons également l’incroyable travail de traduction effectué par Mikael Cabon, qui est parvenu à adapter les nombreux jeux de mots qui donnent tout son humour à l’œuvre.
La plus drôle de toutes les fins (ou début ?) du monde, on la doit sans surprise à John Scalzi. Avec Viser la lune, l’auteur confirme son statut d’électron libre de la S.-F. Et du fantastique. Véritable Douglas Adams américain, il ne cesse d’amuser ses lecteurs avec ses récits (im)pertinents, qui observent l’humanité dans sa noblesse comme dans sa bêtise. Un roman caustique et truculent.