En 2007 paraissait en français le premier tome d'une superbe trilogie intitulée Le vieil homme et la guerre, écrite par un alors inconnu du nom de John Scalzi, histoire d'un Terrien, John Perry, devenu à soixante-quinze ans (l'âge où l'on s'engage) soldat de l'Union coloniale et qui, par son honnêteté, sa droiture et son courage, changera le cours de la guerre contre les extraterrestres et la politique de cette partie de la galaxie. Les Editions de l'Atalante nous faisaient ainsi découvrir un auteur qui persévéra dans la qualité puisqu'il a quand même reçu, outre le Prix John Campbell pour Le vieil homme et la guerre, un Hugo pour un autre de ses romans (Redshirts, L'Atalante, sur lequel, en bon fan de Star Trek, j'avais écrit un coup de coeur en février 2013). Avec Humanité divisée (L'Atalante), John Scalzi nous fait revenir, un an après les derniers événements du "Vieil homme et la guerre", dans cet univers où la Terre a rompu avec l'Union coloniale, ayant réalisé qu'elle était exploitée par celle-ci depuis deux siècles, où le Conclave (union lâche de quelques quatre cents races extraterrestres) est divisé quant à l'attitude à avoir face aux humains et où l'Union coloniale essaye de sauver les meubles en remplaçant les armes par la diplomatie. En treize nouvelles différentes mais qui se lisent dans l'ordre du livre (à l'exception de "La diplomatie en trois rounds" qui peut se lire en premier) car elles forment ainsi une histoire linéaire, l'auteur met en scène une équipe de diplomates de choc, des fonctionnaires de seconde zone et un technicien militaire qui, pris indépendamment, ne valent pas grand chose, mais dont leurs chefs se sont aperçus que, fonctionnant ensemble, le tout devient plus efficace que la somme des parties, une sorte de gestalt ! L'ambassadrice Abumwe, terreur de ses subordonnés, son adjoint "inutile" Hart Schmidt, le lieutenant Harry Wilson (militaire de l'UC aux capacités améliorées, toujours plein d'idées et de ressources), le capitaine de vaisseau Coloma, vont être envoyés sur des négociations sans importance - a priori - ou sans espoir, la philosophie étant "tant mieux si ils réussissent, ce n'est pas une grosse perte sinon"... "L'équipe B", première nouvelle, nous fait assister à la formation de cette équipe de remplacement et à son premier exploit. A partir de là, elle va se retrouver prise dans le jeu politique galactique, pion que l'on utilise sans vergogne, et ce n'est pas la moindre force de Scalzi que de nous faire entrer dans les coulisses des diverses forces en présence, où des alliances improbables se nouent et où des complots de grande ampleur se déroulent à travers les différents épisodes (puisqu'à l'origine ils sont sortis un par un en numérique). Notre équipe va se retrouver dans une position où elle fera son devoir de son mieux, parfois involontairement (dans cette veine "Le roi chien" est un bijou qui m'a fait penser, par son ton et son humour, au meilleur de Keith Laumer dans les aventures de son héros Retief du Corps Diplomatique Terrien), mais parfois de manière poignante (comme dans "Une question de proportions"). Plusieurs nouvelles nous font aussi découvrir le point de vue extraterrestre et leur découverte de notre espèce, loin des clichés : sur ce sujet Scalzi, avec beaucoup de talent, met en scène Hafte Sorvahl, conseillère lalan (les Lalans font près de trois mètres de haut et sont plus qu'imposants), discutant avec des enfants à Washington tout en mangeant des churros, dernière histoire du recueil, toute en finesse. A nouveau, dans ce volume, l'auteur fait montre de toutes les qualités qu'il avait montré dans sa trilogie : outre une solide intrigue - ici qui veut détruire qui, pourquoi et comment les contrer - qui vous fait tourner inlassablement les pages, on y retrouve toute l'humanité, le sens du devoir, le dévouement, l'amitié, la solidarité et l'ingéniosité, qui sont les caractéristiques attachantes des personnages mis en scène sous des dehors "détachés" (j'ai pensé en écrivant ces mots à cet esprit qui caractérise Dominic Flandry luttant pour empêcher le délitement de l'Empire Terrien et que l'on retrouve chez l'équipe B qui lutte pour la survie de l'Union coloniale et de l'espèce humaine). Ce volume vient prendre heureusement la suite du "Vieil homme et la guerre", ce futur classique de la SF contemporaine : vous pouvez le lire indépendamment bien sûr, il se suffit à lui-même, mais il ne pourra que vous donner envie de lire les aventures de John Perry qui ont conduit à cette situation. De la bien belle SF, merci M. Scalzi, nous attendons le prochain volume avec impatience !
Jean-Luc Rivera, Actusf