Avec son talent habituel, Stephen Baxter nous livre un certain nombre de ses questionnements habituels et de ses idées brillantes, mais le livre se termine, pour une fois, de manière terrifiante et nous fait attendre avec impatience le dénouement dans le prochain et final volume.

Pratchett/Baxter - La longue utopie - Jean-Luc Rivera
Article Original

J’ai déjà partagé avec vous mon enthousiasme et ma passion pour la série de La Longue Terre dont trois volumes sont sortis à L’Atalante : La Longue Terre (coup de coeur de juillet 2013), La Longue Guerre (coup de coeur d’avril 2014) et La Longue Mars (coup de coeur de mai 2015). Le quatrième et avant-dernier tome vient de sortir, La Longue Utopie, tout aussi réussi et passionnant que les précédents. Les auteurs continuent d’étudier les conséquences humaines, culturelles, sociétales et économiques du bouleversement fondamental qu’a constitué la mise à disposition pour tous sur le net d’une méthode simple et à la portée de tous pour partir sur l’infinité des Terres parallèles qui existent de part et d’autre de la nôtre, Primeterre. Exode massif des populations, disparition progressive des grands centres de culture et d’éducation, affaiblissement des gouvernements établis - comment contrôler des millions de territoire épars aux populations quasi inexistantes ? -, retour à une économie simple basée sur la coopération et le troc - pourquoi travailler lorsqu’il suffit de cueillir et de chasser ce dont on a besoin ? -, nous découvrons de volume en volume la manière dont les choses évoluent. Nous sommes maintenant en 2052, Josué Valienté, l’explorateur le plus célèbre de tous les mondes fête ses cinquante ans en voyageant en direction de Prime Terre en compagnie de son fils puis de plusieurs de ses vieux amis. Mais ce voyage n’est pas seulement d’agrément : il voudrait aussi en savoir plus sur sa famille (il est orphelin) et ce sera le vieux Nelson Akiziwe, son ami et celui de Lobsang, qui va se charger des recherches. Lobsang, justement, cet être humain réincarné dans un système électronique, à la fois omniscient et omnipotent, la créature qui, en compagnie de Josué, a le premier exploré extensivement la Longue Terre, a organisé sa mort en 2045 ; mais un certain George, accompagné d’Agnès, l’ex-bonne soeur qui a élevé Josué et est devenue un androïde, va s’installer en 2054, avec un petit garçon adopté, Ben, sur la Terre Ouest 1 217 756. Curieusement, c’est à cet endroit, recommandé par Sally Linsay, l’exploratrice intrépide que nous connaissons aussi depuis le Jour du Passage en 2030, qu’avait été découverte une grotte mystérieuse que seuls les enfants de La Nouvelle-Springfield connaissent et d’où ils ramènent des artefacts d’argent inconnus.


Ce volume va nous apporter des réponses (ou du moins des débuts de réponses) à certaines des énigmes qui se posent depuis le premier volume : d’où viennent les passeurs "naturels" qui semblent avoir existé depuis très longtemps ? Pourquoi et comment le père de Sally Linsay a-t-il inventé et mis en ligne le procédé du passage et pourquoi a-t-il continué ses recherches sur la Longue Mars ? Quelle est cette menace diffuse qui semble avoir inquiété les trolls et les autres populations humaines appartenant à des rameaux différents du nôtre au point de les avoir fait fuir en masse ? Que sont devenus les "Suivants", ces jeunes humains surdoués qui représentent peut-être l’étape suivante de notre évolution ? A travers Stan Berg, ce jeune Suivant né en 2040 à Miami-Ouest 4, et son copain Rocky, lui purement humain, nous verrons qu’il n’existe aucune réponse simple - comme le voudraient certains humains et certains Suivants - au problème des relations entre les deux espèces (mais sont-elles vraiment deux espèces séparées par un bond évolutif ?). Nos personnages ont vieilli et mûri, la vie leur a fait perdre certaines illusions et l’Utopie qu’ils croyaient - pour certains du moins - pouvoir créer. Ils découvriront de nouveaux mystères dans la Longue Terre, à travers les "points mous" et une manière de "passer" dans une direction autre qu’Est et Ouest. Le ton de ce volume est beaucoup plus grave, pour ne pas dire sombre, que celui des précédents car l’utopie s’éloigne et les menaces se rapprochent. Avec son talent habituel, Stephen Baxter nous livre un certain nombre de ses questionnements habituels et de ses idées brillantes, mais le livre se termine, pour une fois, de manière terrifiante et nous fait attendre avec impatience le dénouement dans le prochain et final volume.
Point important, je ne peux que recommander à ceux d’entre vous qui ne l’auraient pas encore fait de lire les précédents tomes dans leur ordre de parution afin de pouvoir apprécier pleinement toute l’intrigue et sa finesse, ainsi que l’évolution psychologique des différents protagonistes.

Jean-Luc Rivera

Publié le 26 avril 2016