En définitive, le recueil, agrémenté d’une érudite préface de Xavier Mauméjean, tient la route. Des quatre textes au sommaire, je retiens « Synesthésie » et « Une fille aux pieds nus », qui sont, pour moi, un cran au dessus des deux autres.

Paquet - Faux-semblance - Rsfblog
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Faux-semblance contient quatre nouvelles de science-fiction d’Olivier Paquet. Trois d’entre elles – « Synesthésie », « Rudyard Kipling 2210 » et « Cauchemar d’enfants » ont été publiées au début des années 2000 dans la revue Galaxies. « Une fille aux pieds nus » est le seul texte inédit et l’on peut supposer qu’il est plus récent.
 
Dans « Synesthésie » l’homme a conquis les étoiles, colonisant certaines planètes éloignées et établissant des liaisons commerciales grâce à des portes TransUnivers. Leur installation dans la galaxie des Arkosiens s’est muée en guerre et, sur le terrain militaire, les humains sont en train de la perdre. Les Arkosiens cherchent à passer la porte pour atteindre la Terre et l’anéantir. Toutes leurs tentatives se soldent par des échecs cuisants : leurs vaisseaux sont tous désintégrés. Le gouverneur Rekl reçoit une émissaire Arkosienne venue pour négocier une reddition. Mais le gouverneur, rodé aux techniques de négociation, emmène la diplomate sur un tout autre chemin. L’immersion est puissant : le lecteur ressent pleinement les sensations, les odeurs, même les saveurs. « Synesthésie » est une très belle nouvelle sur l’altérité et l’ouverture à la différence.
 
Rudyard Kipling, auteur célèbre pour son Livre de la Jungle, a perdu son fils John lors de la bataille de Loos en 1915. Rudyard Kipling rejoint alors l’Imperial War Graves Commission, responsable des cimetières de guerre anglais qui jalonnent la ligne de front. Dans « Rudyard Kipling 2210 » Olivier Paquet transpose l’histoire dans le futur. Kipling, commissaire aux sépultures de guerre, organise le rapatriement des corps vers leur famille ou enterre sur place ceux qui ne peuvent être transportés. Sur Jaeda Minor, l’Union spatiale a gagné une bataille contre les Rôdeurs. A peine débarqué, Kipling reçoit la visite d’une jeune femme, Faricia Wecker, venue chercher son mari. Leur recherche les consduit vers un secteur verrouillé pour une raison particulière. Un texte empreint de mélancolie.
 
« Cauchemar d’enfants » imagine un avenir où les enfants sont rois. Littéralement : ils sont les décideurs, magistrats, rédigent, votent et font appliquer leur lois. Le lieutenant Dobrozumsky, un adulte, fait équipe avec son supérieur, le capitaine Lone, petit tyran de quatorze ans. Ils sont missionnés pur enquêter sur la dénonciation d’une mère par sa fille pourrie gâtée comme on dit. Matériellement, elle ne manque de rien. Mais elle ne se sent pas aimée. Alice accuse ses parents d’avoir vendu un de ses jouets pour remplir le frigo et acheter des vêtements. Du superflu donc. Glaçant.
 
Scène post-apocalyptique dans « Une fille aux pieds nus » après le passage d’un tsunami ravageur. Hikaru, en rupture avec sa famille, a survécu sans trop savoir comment. Elle marche seule au milieu des décombres, sous le choc. Ses pas croisent ceux d’autres survivants tous aussi perdus qu’elle, tous à la recherche de leur famille ou d’un lieu d’asile. Jusqu’à pouvoir rejoindre le gymnase d’une école où secours et téléphones les attendent. Cette nouvelle légèrement teintée de fantastique est une réussite : sensible sans sensiblerie, humaniste et réaliste dans le traitement et la narration.
 
En définitive, le recueil, agrémenté d’une érudite préface de Xavier Mauméjean, tient la route. Des quatre textes au sommaire, je retiens « Synesthésie » et « Une fille aux pieds nus », qui sont, pour moi, un cran au dessus des deux autres. 
 
Publié le 5 avril 2018

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