J’ai craqué sur ce recueil de nouvelles lors de ma petite virée aux Utopiales. Je trouve la couverture magnifique quoique le dessin ait un côté désolé. Elle illustre néanmoins très bien la thématique de ce recueil qui tend à vouloir parler de moments charniers lors de catastrophes. Quatre nouvelles qui tracent d’une belle plume des moments parfois difficiles. Je vais tâcher de vous parler de chacune d’elles mais je peux d’ores et déjà vous dire qu’elles ont un point commun : l’écriture d’Olivier Paquet qui est poétique, belle et agréable à lire.
Le recueil s’ouvre avec la nouvelle Synesthésie. Bien qu’elle soit la plus longue ce n’est pas celle qui m’a le plus marquée quoique j’ai beaucoup aimé l’idée. Nous suivons le gouverneur d’une colonie humaine dans l’espace qui se retrouve encerclé par un ennemi belliqueux qui souhaite s’approprier un pouvoir détenu par notre espèce : un système de porte. Ces portes permettent de voyager dans tous l’univers. Ce qui est très intéressant dans cette nouvelle c’est de voir le parti pris par le gouverneur dans la tête duquel nous vivons toute l’histoire. Il va devoir prendre des décisions lourdes de sens et importantes pour tenter de protéger ceux qui l’ont choisi. Il y a finalement beaucoup de douceur dans l’approche de ce gouverneur face à l’ennemi. Beaucoup de dignité aussi. Elle m’a transporté dans un monde où la présence de l’intelligence artificielle est une personnage à part entière qui enrichit l’univers de l’auteur. Les descriptions sont belles et j’ai adoré le concept de donner aux émotions des goûts ce qui est le principe même de la synesthésie. C’est donc une belle entrée en matière.
Nous continuons avec la deuxième nouvelle intitulé Rudyard Kipling 2210. Je l’ai aussi beaucoup aimée ! Pourtant elle est difficile. Là encore, nous plongeons dans l’espace pour suivre un membre de l’armée de l’Union spatiale dont la mission est de se rendre sur les champs de bataille, comptabiliser les pertes humaines et gérer les identifications des cadavres. Ce n’est pas vraiment très gai annoncé ainsi et pourtant c’est bourré d’humanité. Un hommage à Kipling qui aurait sûrement apprécié, et qui m’a permis d’apprendre des choses sur lui que j’ignorais complètement. Cette nouvelle m’a chamboulé. La recherche de cette femme sur ce champ de ruines, son amour qui transcende la noirceur de ce qui s’est passé. J’ai trouvé ça si beau…
La troisième nouvelle, Cauchemar d’enfants m’a laissé quant à elle un peu perplexe. D’autant qu’elle m’a mise un peu mal à l’aise durant ma lecture. L’idée d’une société dont l’avenir réside sur des enfants, où tout est fait pour les enfants et l’ensemble géré par des enfants au caractère imprévisible et immature… Le seul adulte que nous suivons est un policier marié mais sans enfant. Nous apprenons que lorsqu’il décidera d’avoir un enfant il devra quitter son métier. La hiérarchie est inversée, son capitaine se retrouve être un gamin capricieux. Peut-être que l’on peut y voir une extrapolation d’une « dictature de l’enfant » mais j’avoue ne pas avoir bien saisi l’idée de la nouvelle qui souligne l’aspect éphémère de l’enfance.
Nous terminons notre lecture par Une fille aux pieds nus. Autant dire que ce fut l’ascenseur émotionnel car j’ai été littéralement bluffée par cette nouvelle d’une incroyable intensité. Plus proche de la réalité que toutes les autres puisqu’elle fait écho au tsunami qui a dévasté le Japon, l’auteur nous surprend d’autant plus quand il intègre un brin d’imaginaire et la scène n’en est que plus touchante. Les émotions de la jeune fille m’ont percuté de plein fouet. Son errance dans une ville dévastée l’amène à croiser le chemin de l’incompréhension, de la peur et de la tristesse. Mais aussi le chemin de l’humain. Face à un tel cataclysme il ne reste plus que l’humanité, un peu de chaleur humaine, quelques échanges pour tenir. Parler pour ne pas sombrer dans le silence assourdissant de l’horreur et de la mort.
L’ensemble de ces histoires est servi par une très belle plume que j’ai sincèrement pris plaisir à découvrir et que j’aspire à découvrir à travers d’autres écrits. Les descriptions m’ont transporté sur ces lieux dévastés et je me suis sentie flottée au milieu de ce tumulte d’émotions. C’est comme si l’auteur parvenait à canaliser l’énergie du désespoir du moment en un flot de sentiments à vif qui écorche quelque peu le lecteur.
En somme c’est une belle découverte, la dernière nouvelle m’a fait oublié ma déconvenue avec la troisième et je retire un sentiment extrêmement positif de cette lecture. Je vous invite donc à lire et à découvrir la plume d’Olivier Paquet sans attendre.