Tuer, être tuées : les victimes assassines d’Audrey Pleynet et de Premee Mohamed

Et que désirez-vous ce soir - Les Missives
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Le point commun entre Sintonia d’Audrey Pleynet et Et que désirez-vous ce soir de Premee Mohamed, c’est qu’au début, les héroïnes meurent, sauf qu’en fait, non. [...]

Et que désirez-vous ce soir adopte la voix de Joyau, courtisane de la prestigieuse Maison Bicchieri, qui veille Winfield, collègue et camarade, récemment assassinée par un client. Mais si veiller des morts a quelque chose de tragiquement banal, il est plus angoissant encore de veiller des vivants : Winfield est revenue d’entre les morts, et ça risque de ne plaire ni à leurs employeurs, ni à l’assassin. Et si Joyau veut aider son amie à remonter les fils qui ont conduit à sa mort, elle redoute plus que tout de perdre le peu de sécurité et de confort que lui garantit son emploi, au prix de sa liberté.

Le point commun entre Sintonia d’Audrey Pleynet et Et que désirez-vous ce soir de Premee Mohamed, c’est que ses héroïnes sont des tueuses.

[...] Winfield, déjà morte, ne craint plus de mourir, et rien ne peut arrêter sa traque pour découvrir l’identité de son assassin, l’attirer dans un piège, exercer sur lui son implacable vengeance.

Chez Mohamed, la forme brève est tendue, virtuose, une poésie dans le coup de grâce, entre la rage et la peur. Aucun problème pour y entrer si vous ne pratiquez guère la SF : ici, l’anticipation sert de métaphore et de caisse d’écho pour explorer le monde de l’exploitation sexuelle, des violences faites aux travailleureuses du sexe et aux femmes en général, et de la marchandisation des corps.

Le point commun entre Sintonia d’Audrey Pleynet et Et que désirez-vous ce soir de Premee Mohamed, c’est surtout qu’on n’est jamais seules.

[...] Cette sororité, c’est aussi celle qui bat dans Et que désirez-vous ce soir, unissant courtisanes et courtisans. Joyau, à mesure qu’elle découvre qu’elle n’est pas seule, se découvre un courage, un esprit de résistance, face à l’exploitation qu’elle a toujours subie. Aucune de nous n’est seule, puisque nous jouons toutes un rôle : « tu es toujours deux femmes en même temps, comme nous toutes ». Aucune de nous n’est seule, et si on s’en rend compte, on pourra abîmer tous les salauds dans les flots salés – on pourra tout surmonter, même la mort.

Publié le 27 novembre 2025

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