Mais, telle quelle, cette adaptation intégrale ne peut que ravir les amateurs de chevauchées légendaires, de quête du Graal, de grandes amours contrariées, d’héroïsme exemplaire et de magie féérique, sous les auspices de l’enchanteur Merlin. Avec en prime l’humour et la truculence qui sous-tendent les grands romans picaresques.

Malory - Le Roman du Roi Arthur et de ses chevaliers de la Table Ronde - Nice Matin

Ce livre fut terminé la neuvième année du règne du roi Edouard IV par messire Thomas Malory, chevalier. » Terminé par conséquent vers 1470, arrangé et publié par l’imprimeur Caxton en 1485, « La Morte Darthur » (orthographe d’origine) n’a jamais cessé depuis lors d’être réédité en Angleterre où il demeure la référence arthurienne de toute la culture anglosaxonne.
Bizarrement, ce texte capital n’existait pas en français dans son intégralité. Il était bien paru un « Roman d’Arthur et des Chevaliers de la Table Ronde » en 1948 chez Aubier, mais l’adaptation de M.M. Dubois ne concernait que des extraits du Malory/Caxton. Lacune d’autant plus paradoxale que la tradition francophone du mythe du Saint Graal et de la Table Ronde est fort riche et que Thomas Malory ne manque d’ailleurs pas d’y faire référence : de Chrétien de Troyes à Robert de Boron, en passant par les anonymes du XIIIe siècle qui ont enrichi la tradition (voire qui l’ont initiée), la prodigieuse abondance des récits médiévaux, « bretons », y compris en langue d’Oc, n’a jamais cessé de proliférer et de se consolider d’un bord à l’autre de la Manche (et même au-delà du Rhin, si l’on y ajoute les contributions d’un Wolfram von Eschenbach).
Malory n’avait pas achevé son roman. Les huit récits distincts laissés par lui ont été unifiés et refondus en vingt et un livres homogènes par Caxton, à la demande de la Cour d’Angleterre. Cette version est généralement utilisée dans les rééditions savantes à égalité avec celle dite du « Manuscrit de Winhcester  », découverte en 1934 et réputée probablement plus conforme à l’original.
L’édition enfin proposée dans son intégralité aux lecteurs français se réfère pourtant au texte « remanié » de Caxton, parce qu’il est moins « désordonné » et sûrement plus attrayant à lire. Car l’éditeur veut toucher en priorité un public de non-spécialistes, un public assez large pour rendre à ce fleuron du mythe la place qui lui revient  de droit dans le panthéon du roman aventureux.
Nul ne s’en plaindra, je pense, à l’instar de Lawrence – celui « d’Arabie » - qui le faisait figurer parmi les quatre livres indispensables qu’il emportait dans les sacoches de sa selle lorsqu’il partait pour de lointains voyages. Il n’en reste pas moins vrai que l’on attend maintenant la traduction définitive de l’original maloryen. Mais, telle quelle,  cette adaptation intégrale ne peut que ravir les amateurs de chevauchées légendaires, de quête du Graal, de grandes amours contrariées, d’héroïsme exemplaire et de magie féérique, sous les auspices de l’enchanteur Merlin. Avec en prime l’humour et la truculence qui sous-tendent les grands romans picaresques.


Numa Sadoul - Nice Matin

Publié le 5 mars 2015

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