Ce premier recueil publié par les éditions L’Atalante pose déjà le style de Jean-Claude Dunyach avec des univers très divers posés parfois en quelques paragraphes, de l’humour, des sentiments et des connaissances plaisantes à découvrir.

Dunyach - La station de l'Agnelle - Le Bibliocosme
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Il est toujours bon de lire des recueils ou des anthologies de nouvelles de temps à autre, d’autant plus quand il s’agit de découvrir des récits anciens d’auteurs reconnus. Ainsi, sont toujours disponibles (et édités de manière cohérente) les recueils de Jean-Claude Dunyach chez les éditions L’Atalante. Édité en 2000, La Station de l’Agnelle fut le premier de ces recueils, mais déjà il contient les fondamentaux et arbore les symboles amenés à se répéter : une couverture de Gilles Francescano et une présentation de Yal Ayerdhal, deux proches amis de l’auteur. Il compile dix nouvelles qui avaient eu une vie éditoriale très diverse auparavant, étant publiées (sauf une) soit dans des revues spécialisées, soit dans anthologies thématiques, entre 1995 et 2000. Dix nouvelles, dix univers à découvrir en quelques pages : forcément, comme elles ne sont pas classées par ordre chronologique (d’écriture ou bien de première publication), il est toujours intéressant de comprendre comment le recueil a été pensé.

Une première partie qui pose les fondamentaux thématiques de l’auteur

Dans la première nouvelle, « La Station de l’Agnelle », qui donne son titre au recueil, Jean-Claude Dunyach met en scène un père et sa fille qui échangent des réflexions sur les voyages stellaires que leurs générations sont en train de connaître. Qu’est-ce donc que cette avancée à côté de la destruction de notre planète originelle ? C’est là une puissante idée sur ce que peut être la filiation au sens personnel comme civilisationnel. « Les Parallèles » est une étrange histoire d’amour futuriste entre deux entités quasi intangibles. L’auteur s’amuse à créer un monde très peu situé et référencée, mais calqué sur la vie minérale et aquatique des plus bas fonds. Le vocabulaire utilisé n’en est que plus étrangement exotique vu le sujet choisi. Pour poursuivre sur le même thème, « Histoire d’amour avec chute » nous emmène dans une soirée branchée d’une jet-set futuriste où la norme est de toujours créer la nouvelle mode et où les créateurs esthétiques sont les stars s’ils sont capables de simuler quantité de couleurs et de textures sur les corps en capacité de se payer leurs services. Évidemment, le titre se joue du format classique de la « nouvelle à chute » en guise de fin.

Une deuxième partie moins inoubliable

Les trois nouvelles suivantes constituent un petit peu un « ventre mou ». Ainsi, « Le gardien de l’ange » (seule nouvelle inédite du recueil), « Fin de l’été indien » et « Ce que savent les morts » abordent des thèmes très différents encore, mais il y a davantage la sensation de s’égarer bien loin et de ne plus trop savoir comment s’y accrocher. Les descriptions s’y font moins techniques, les réflexions plus imagées encore, forcément il faut être très attentif pour ne pas s’y perdre.

Une troisième partie humoristique

Le style de Jean-Claude Dunyach recèle aussi extrêmement souvent d’un certain humour et d’un humour certain ; les trois nouvelles suivants accentuent davantage leur récit là-dessus. « Le jeu des dédicaces » joue de l’imagination de l’auteur à l’occasion d’un festival de Montmorillon ; « L’heure des vers » joue sur l’humour noir à trouver dans une histoire de morts à déterrer ; enfin, « Rapport sur les habitudes migratoires des pères Noël » singe le format des articles scientifiques sur une espèce incomprise, le ParlaCheminus SantaClaude, dont il manquait une étude sérieuse de ce calibre. Ces trois récits sont globalement plus courts, mais percutent l’esprit.

Une ultime nouvelle mémorable

Le recueil se termine par « Le jugement des oiseaux », nouvelle la plus puissante et la plus développée du recueil. Elle narre la fondation et le destin de la « confrérie des oiseaux », groupe restreint d’assassins certifiés issus d’un programme strict de sélection et d’entraînement. Parmi eux, l’adolescent nommé Colibri démontre à la fois des compétences encore plus exceptionnelles et une personnalité particulière. Son retour après une longue période en missions annonce forcément une confrontation avec son mentor. L’auteur esquisse à peine la teneur de l’avenir convoqué dans ce récit, mais cela est suffisant pour comprendre que nous n’avons pas tellement envie d’y être ; les personnages sont extrêmement clairs dans leurs intentions ; enfin, la construction de la nouvelle imbrique plusieurs récits se fondant sur des idées originales. « Le jugement des oiseaux » imprègne la mémoire, tout comme le système a imprégné ces petits « oiseaux » tueurs.
Ce premier recueil publié par les éditions L’Atalante pose déjà le style de Jean-Claude Dunyach avec des univers très divers posés parfois en quelques paragraphes, de l’humour, des sentiments et des connaissances plaisantes à découvrir.

 - Dionysos, le 14 septembre 2018.

Publié le 26 septembre 2018

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