La Guilde des queues de chats morts. Voilà un titre qui ne laisse pas indifférent ! Ajoutez à cela la somptueuse illustration de couverture signée Benjamin Carré, et un résumé qui nous annonce d’emblée une héroïne… déjà morte, et l’on comprend que le récit ne manquera pas de panache !
Dans ce court roman, P Djèli Clark nous emmène donc dans la cité de Tal Abisi, une ville dense et grouillante dirigée par des patriarches et placée sous l’influence de diverses divinités. Dans ses tréfonds, une guilde d’assassins opère dans l’ombre, des assassins particulièrement redoutables puisqu’il s’agit de morts-vivants. Eveen en fait partie, et celle que l’on surnomme l’Éviscératrice n’a plus à prouver sa dextérité et son efficacité. Et pourtant, sa nouvelle mission va lui donner des sueurs froides, puisque la cible à éliminer se révèle être une version plus jeune d’elle-même… Eveen est piégée, si elle ne va pas au bout de son contrat elle risque de déclencher le courroux de la Déesse de la mort à qui elle est liée, mais elle ne peut tout de même pas se résoudre à tuer cette version jeune d’elle-même !
C’est une véritable course contre la montre dans laquelle nous emmène P. Djèli Clark. L’auteur se plaît à malmener son personnage principal, véritable atout de ce récit, en la confrontant à des situations impossibles. Eveen a très peu de temps pour comprendre ce qui lui arrive et mener l’enquête pour savoir qui lui en veut et comment se dépêtrer de tout ça. Commence alors une enquête palpitante pleine de rebondissements, de machinations, de combats haut en couleurs et d’humour.
Le personnage d’Eveen porte sur ses épaules de manière magistrale ce court roman avec sa répartie tranchante, son dynamisme et son ingéniosité pour se sortir de toutes les situations inextricables. Elle nous emmène dans une danse endiablée menant une enquête à mille à l’heure, valsant d’un ennemi à l’autre et naviguant vers les indices tout en se traînant une épine sous le pied… elle-même. En confrontant Eveen à une version plus jeune d’elle-même, l’auteur propose un jeu de miroir très réussi, où passé et présent s’entrechoquent et ouvrent la voie à une touchante quête identitaire.
De plus, entre atmosphère survoltée et dimension mythologique, le roman nous propose une intrigue riche, vivante et immersive dans laquelle on se plaît à se perdre dans les ruelles bruyantes de Tal Abisi. Ainsi si le récit est court, avec un univers qui ne se dévoile qu’en filigrane, il nous offre un excellent moment de lecture et sous son cynisme assumé et son apparente légèreté, il explore des thématiques fortes comme l’identité et la mémoire. L’univers du roman puise aussi dans une mythologie incarnée, où les dieux et déesses influencent la vie (et la mort) des personnages. La Déesse de la mort apparaît ainsi elle-même dans l’intrigue offrant une scène mémorable, une confrontation quasi théâtrale.
Court mais intense, La Guilde des queues de chats morts nous entraîne dans une course effrénée à travers les ruelles de Tal Abisi, entre enquête éclair, coups de lame bien placés et humour cynique. Inventif et parfaitement maîtrisé de bout en bout, le récit mêle action, émotion et réflexion sur l’identité et la mémoire. Un conte noir, vif et singulier, porté par une héroïne aussi tranchante que touchante.