Il y a chez Becky Chambers une douceur militante : sa science-fiction n’érige pas des cathédrales de concepts inaccessibles mais est composée de phrases simples, comme autant de jardins cultivés dans lesquels on peut se recueillir.
Une très bonne hérétique, composée de cinq nouvelles traduites, cinq histoires, cinq voix féminines à la croisée des chemins, est l’un de ces havres de paix et d'espoir littéraires.
À travers ces textes, l’autrice poursuit cette petite révolution intime : celle d’une SF qui soigne plutôt qu’elle n’intimide, qui pose la main sur l’épaule plutôt que sur l’arme.
Une SF qui chante : "Nous vous voyons. Nous vous aimons. Vous n’êtes pas seuls."
Le ton « Hopepunk », souvent évoqué pour cette plume, est pleinement présent dans ses personnages qui refusent la brutalité d’un système, qui inventent des gestes de soin et d’amitié dans un acte de révolte calme.
Le livre ne masque pas la dureté de l'univers (entre guerres, économies impitoyables et normes biologiques oppressives), il choisit simplement de montrer la contre-force des personnages qui, à leur mesure, apaisent, réparent et aiment que ce soit dans un vaisseau cercueil, une chrysalide ou lors d’un dernier contact.
Les décors changent mais la douceur reste.
Le grand pouvoir de Chambers réside dans cette économie d’écriture : en quelques phrases, en une scène, elle installe un personnage entier, ses désirs et ses paradoxes. Sa plume nous donne une bouffée d’humanité. Parfois drôle, souvent tendre, elle réussit l’exploit de faire palpiter l’empathie et la compassion même pour des créatures radicalement autres ne cherchant qu’à affirmer leur place, même minuscule, dans l’immensité.
Ce recueil est finalement une parenthèse solaire, comme un geste intime, réconfortant, bien que minuscule, dans l’univers littéraire.