Tout le début du roman sert essentiellement à poser le personnage de Tanta, son étrange dépendance à InTech, ses réactions disproportionnées au moindre compliment ou doute de sa cheffe de service, Jen. Elle est monolithique, tout entière dévouée à sa corporation, et sans faille. [...] Petit à petit, pourtant, les enjeux se précisent et l’on comprend la nature de cette jeune femme, et les caractéristiques du fameux projet Harlow du titre. [...]
L’univers est clairement cyberpunk, avec des entreprises toutes-puissantes qui dirigent le monde. Les villes leur appartiennent et sont séparées par des portes qui peuvent vous immobiliser si votre profil n’est pas approuvé. Chaque habitant ou presque est doté d’un scaphe – une interface au réseau, réglé par l’une ou l’autre corpo, qui ne lui permet pas d’accéder aux quartiers gérés par la concurrente. Louise Carey pose habilement les bases de cette société futuriste, où les usines fonctionnent grâce à des ouvriers qui abandonnent tout libre-arbitre pendant leurs heures de travail, transformés en robots décérébrés, commandés par des ordinateurs. Les corps sont exploités comme du matériau brut, la déshumanisation totale. Les corpos disposent d’agents qui leur sont entièrement dévoués, qu’elles n’hésitent pas à utiliser de toutes les manières possibles.
Le personnage de Tanta s’étoffe au fil du récit et à mesure qu’elle prend conscience des mensonges dans lesquels elle a baigné. Les protagonistes secondaires acquièrent eux aussi une belle profondeur, comme Cole, que nous découvrons en même temps qu’il recouvre quelques souvenirs ; il s’avère qu’il a joué un rôle crucial dans le programme Harlow, et dans les événements qui ont mené à la confrontation d’aujourd’hui, mais n’en garde aucune trace mémorielle.
L’autrice a créé un futur dystopique glaçant, où la technologie sert d’instrument d’asservissement, au service d’ entreprises toutes-puissantes. On referme ce premier tome avec l’envie furieuse de connaître la suite !
