Elle cultive, frondeuse, la différence. Et relève avec élégance son pari.

Hôtel Carthagène - Polars polis et cie
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À chaque livre, à chaque polar, l’Allemande Simone Buchholz se lance un nouveau défi. Une contrainte qui porte tant sur le plan narratif que formel. Dans Hôtel Carthagène, ce pari consiste à mener de pair deux récits qui, le temps d’une prise d’otages, vont inopinément se rejoindre.

L’auteur réunit d’abord toute son équipe d’enquêteurs – dont la pas très catholique procureure Chastity Riley, son personnage fétiche et la narratrice du roman – dans le lounge clinquant d’un hôtel du port de Hambourg. Faller, leur ancien collègue et jeune retraité, y fête son anniversaire. Alors que notre héroïne vient de s’ouvrir le pouce sur les feuilles hyper-pointues de l’ananas qui décore la piña colada de son ex-amant, les premiers coups de feu retentissent. Douze hommes lourdement armés pénètrent dans le bar. Ils portent leurs fusils à pompe, Colts 45 ou carabines à canon scié « comme les femmes portent leur sac à main ». Autrement dit, ce sont des pros. Il est presque vingt heures et la nuit sera longue. Seule consolation pour les victimes, c’est open bar.

Parallèlement à cette prise d’otages qui reste curieusement sans revendications, le lecteur se glisse dans la vie et l’histoire tragiques de Henning. Fuyant une existence minable à Hambourg, ce jeune homme déshérité et quasi orphelin part s’installer à Carthagène, en Colombie, pour repartir de zéro. Très vite, toutefois, il tombe dans les filets des trafiquants de drogue. Le début de la fin. Après une fuite qui le conduit à Curaçao, après l’assassinat de sa femme et de son fils, il revient à Hambourg. Et décide de se venger de l’homme bien né, puissant, mafieux et sans scrupules qui a ruiné son bonheur. Vous devinez la suite….

Comme à son habitude, Simone Buchholz joue malicieusement avec la typographie et la longueur des textes. Elle casse la linéarité du récit en entrecoupant l’histoire de poèmes ou de chansons. Elle nous offre de magnifiques portraits d’hommes et de femmes. Et imagine même, pour les preneurs d’otages rescapés, quatre sorties possibles. Bref, elle cultive, frondeuse, la différence. Et relève avec élégance son pari.

Mireille Descombes

Publié le 26 février 2024

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