Les Chroniques de l'imaginaire

À la suite de sa métamorphose en faune, Tout-Ouïe s'est enfui dans la forêt où il a trouvé refuge sous le couvert des arbres dans un premier temps puis dans une grotte. Á présent, à cause de la malédiction lancée par Narsia, il est terrifié par les grands espaces et ne supporte plus d'avancer à ciel ouvert. Il erre apparemment sans but, sans mémoire, cherchant seulement à se souvenir de son nom ainsi que de son passé perdu. Il vivote grâce à la cueillette et à l'eau des sources croisant son chemin. Dans son malheur, il va trouver du réconfort auprès de plusieurs animaux dont un troupeau de chèvres et une belette dont la sagesse est associée à une nouvelle source de nourriture puisque, naturellement, elle pratique la chasse. Cependant, la frayeur que suscite son corps d'être mi-homme mi-bête, contraint Tout-Ouïe à une certaine solitude et à vivre loin des êtres humains, toujours dissimulé par quelques feuillages. De plus, il est sans cesse poursuivi par un certain faucon aux yeux verts qui n'est autre que Narsia, responsable de sa transformation et désireuse de s'emparer de la pierre d'Arni.

On retrouve Tout-Ouïe dans le dernier volet de ses aventures. Il est de plus en plus perdu au niveau identitaire, ne se reconnaissant plus sous sa forme de faune et ayant oublié son statut de joueur de flûte. Cela ne l'a pourtant pas guéri de son éternelle impatience, celle qui l'habitait déjà lorsqu'il était un jeune homme fraîchement sorti de l'adolescence. Ce volume est, de loin, le plus intéressant à nos yeux car il ne reste pas focalisé sur ce héros un peu infantile il faut bien le reconnaître. Le roman présente de nombreux points de vue et personnages, ce qui a pour conséquence une variété ainsi qu'une diversité salutaires et bienvenues. Cela est visible notamment au travers des conversations sur le sens de la vie que peut avoir Tout-Ouïe avec le Cembro par exemple, cette branche dotée de sagesse et d'une solide logique. Il y a également un basculement notable vers le monde animal car celui des hommes est désormais inaccessible au porteur de la pierre. Cet apport jette, de fait, un éclairage réellement original centralisé essentiellement sur la première partie de l'oeuvre. Par ailleurs, l'aspect mythologique se trouve renforcé par les interventions de plusieurs créatures telles que les ondines pour ne citer qu'elles. Cette impression se voit appuyée par l'insistance faite sur la pilosité du héros comme s'il était déjà, auparavant, un faune en devenir. Cela met aussi en lumière le côté conte de fées métaphorique et vient étayer les aspects oniriques déjà représentatifs des épisodes précédents.

L'intérêt réside enfin dans le fait que l'auteur nous fait découvrir de nouveaux pans restés jusqu'alors dans le flou, en particulier des éléments relatifs au passé dont certains parlent directement de la pierre ainsi que de la personnalité d'Arni. Ce personnage est d'une certaine manière le fil rouge de ce récit et jusqu'à présent il n'était présenté qu'à travers les anecdotes rapportées par autrui. Cette fois, il intervient en personne par le biais de souvenirs personnels. Ces précisions marquent un tournant des plus satisfaisants dans cette histoire qui s'était un brin enlisée dans le deuxième tome, en se concentrant uniquement sur Tout-Ouïe et ses états d'âme post-adolescents. Un virage des plus appréciables.

Sig (03/08/2009)

Publié le 24 janvier 2013

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