« De nos jours chaque homme est une île. Ou peut le devenir, s'il le souhaite.» Fulgurante vision d'un possible avenir humain que propose à notre lucidité le dernier roman de Walter Jon Williams, Le Coup du cavalier (L'Atalante). Anticipation de la solitude paradoxale engendrée par les techniques de pointe de la communication et de la virtualité ; le roman se déroule dans un futur à deux "miracles" : une inépuisable énergie et l'immortalité. Du coup, toute l'humanité a abandonné la Terre pour essaimer dans les étoiles, et ce grâce à la téléportation. Triomphe de l'homo-sapiens? C'est compter sans la décrépitude et surtout l'ennui. Car lorsqu'on vit pour toujours surgit l'indifférence à tout. Le narrateur, âgé de huit cents ans, ne se souvient plus des enfants qu'il a semé derrière lui. Et que devient le "toujours" de l'amour, s'il n'est borné par la mort? On le voit, ce roman d'aventure, captivant, draine un questionnement de première importance sur l'identité humaine, à propos de laquelle on lira de fort justes formules. " Au bout du compte, nous serons toujours nous-mêmes. Pris au piège de nos propres histoires, enchâssés dans nos propres successions de victoires et de défaites. Vivant dans notre présent et attendant que notre éternité prenne fin." Car, selon Williams, la science, malgré ses prodiges, ses miracles, ne saurait arriver à libérer l'homme de sa douloureuse condition, laquelle se définit déjà dans la Genèse par les châtiments infligés à Adam et Eve. Ainsi la médecine contemporaine n'apparait ici que comme concocteuse de morts lentes, qui deviendront interminables, telles des supplices raffinés. [...] Cependant le narrateur, type du savant bénéfique, n'accepte pas cette sinistre fatalité ni la torpeur dans laquelle l'humanité du futur est plongée. Il s'efforcera, avec son équipe de fidèles, de trouver l'issue vers un monde radieux, et cette issue il la cherchera dans ce qui subsiste de vie animale et dans la résurgence de la mythologie grecque. Et c'est ainsi que le roman se termine sur la fête des Centaures. Et sur cette admirable vision: «  les tombes ne sont pas faites pour les morts, mais pour nous rappeler qui nous sommes. »

Williams - Le Coup du cavalier - Lectures
« De nos jours chaque homme est une île. Ou peut le devenir, s'il le souhaite.» Fulgurante vision d'un possible avenir humain que propose à notre lucidité le dernier roman de Walter Jon Williams, Le Coup du cavalier (L'Atalante). Anticipation de la solitude paradoxale engendrée par les techniques de pointe de la communication et de la virtualité ; le roman se déroule dans un futur à deux "miracles" : une inépuisable énergie et l'immortalité. Du coup, toute l'humanité a abandonné la Terre pour essaimer dans les étoiles, et ce grâce à la téléportation. Triomphe de l'homo-sapiens? C'est compter sans la décrépitude et surtout l'ennui. Car lorsqu'on vit pour toujours surgit l'indifférence à tout. Le narrateur, âgé de huit cents ans, ne se souvient plus des enfants qu'il a semé derrière lui. Et que devient le "toujours" de l'amour, s'il n'est borné par la mort? On le voit, ce roman d'aventure, captivant, draine un questionnement de première importance sur l'identité humaine, à propos de laquelle on lira de fort justes formules. " Au bout du compte, nous serons toujours nous-mêmes. Pris au piège de nos propres histoires, enchâssés dans nos propres successions de victoires et de défaites. Vivant dans notre présent et attendant que notre éternité prenne fin." Car, selon Williams, la science, malgré ses prodiges, ses miracles, ne saurait arriver à libérer l'homme de sa douloureuse condition, laquelle se définit déjà dans la Genèse par les châtiments infligés à Adam et Eve. Ainsi la médecine contemporaine n'apparait ici que comme concocteuse de morts lentes, qui deviendront interminables, telles des supplices raffinés. [...] Cependant le narrateur, type du savant bénéfique, n'accepte pas cette sinistre fatalité ni la torpeur dans laquelle l'humanité du futur est plongée. Il s'efforcera, avec son équipe de fidèles, de trouver l'issue vers un monde radieux, et cette issue il la cherchera dans ce qui subsiste de vie animale et dans la résurgence de la mythologie grecque. Et c'est ainsi que le roman se termine sur la fête des Centaures. Et sur cette admirable vision: «  les tombes ne sont pas faites pour les morts, mais pour nous rappeler qui nous sommes. »
Publié le 4 mars 2011

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