Les chroniques de l'imaginaire
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Depuis ses quatre ans, Heinz vit, avec son robot-fennec, dans un resort protégé par un shield, dans les Alpes bavaroises. Le jour de ses quinze ans, Cornelius, leur leader, le meilleur du monde, lui donne des cahiers et des crayons. De ce jour, l'adolescent va se nommer chroniqueur de leur vie dans cette zone protégée, où leur groupe de six personnes s'est retrouvé, par un hasard chanceux, le jour où une catastrophe incompréhensible a supprimé toute vie à perte de vue.

Au fil des années, certains membres du groupe, et surtout Jorden, l'ex-guerrier dont la femme et le fils étaient à l'extérieur du resort, ont cherché à savoir ce qui était arrivé, et à retrouver des survivants, mais ils ont surtout survécu en étant très prudents, par crainte des gangs violents, et très ménagers de leurs ressources. Jusqu'au jour où, ces dernières en baisse, il faut quitter le resort pour se diriger vers ces camps où l'on dit que des humains vivent encore, et ont reconstitué, ou maintenu, une civilisation.

Ce roman est divisé en parties inégales, nommées selon la couleur du cahier dans lequel écrit Heinz pour raconter ses mésaventures, laquelle change aux différents moments où la vie de Heinz va être bouleversée. Les deux plus longues racontent leur vie à l'intérieur du resort, puis leurs pérégrinations entre le moment où ils le quittent et le moment où ils traversent le Jura, en ayant perdu deux membres de leur groupe. Cette seconde partie, aux allures de road-movie, donne une peinture très sombre d'un monde ravagé, dans la tradition du post-apocalyptique. En revanche, l'explication qui est donnée de la Catastrophe est originale et justifie la permanence d'un monde presque inchangé à l'extérieur des zones en ruines.

La diversité des personnages permet de donner une peinture assez complète de la "civilisation d'avant", très proche de la nôtre, et donne une dynamique au récit en créant des tensions entre les différents réfugiés du resort. Même si le fait que l'histoire soit contée par un "candide", qui n'a aucun souvenir de sa vie avant la Catastrophe, est un ressort classique, c'est efficace. Cela dit, je ne comprends pas pourquoi le vocabulaire de Heinz est truffé de mots anglais, d'autant que ce n'est pas le cas des autres personnages, avec qui il vit depuis plus de dix ans, ce qui m'a interdit de concevoir d'où il tirait ce vocabulaire.

En fait, c'est la dernière partie qui m'a paru la plus originale, d'une part à propos de la nature de Heinz, mais aussi quant aux rapports entre la NEU et les "zonbies", qui bien sûr évoquent les discussions et réactions actuelles autour des réfugiés. En somme, un roman post-apocalyptique, mais pas que, qui trouvera certainement son public, d'autant que les traductions de l'allemand sont rares.

Publié le 6 septembre 2019