Avant de commencer la lecture de Jeux pour mourir, regardez cette photo de Robert Doisneau prise dans les années cinquante à la périphérie de Paris, en pleine zone. Imprégnez-vous de ses teintes charbon, respirez à fond cette terre de banlieue imbibée d'huile et, lorsque vous serez bien dans l'ambiance, suivez ce gamin à béret jusqu'à cette cabane derrière le terrain vague. Lui, c'est Cat, le chef, et malgré ses seize ans et ses airs de petit dur, il a autant la trouille que ses copains La Fouine, Mérou et l'Hérisson. La nuit dernière, ils ont étranglé une vieille du quartier pour lui voler son argent et, à présent, les flics (dont le propre père de Cot) sont à leurs trousses. Géo-Charles Véran, dont Jeux pour mourir (1949) est l'œuvre maîtresse nous trimbale haletants de bistrots glauques en appartements miteux, d'une villa de truands au commissariat où l'on cogne sans vergogne les prévenus. Puis, à toute blinde, derière Cat, nous traversons des voies ferrées, plongeons dans les eaux troubles du canal avant de nous réfugier, le cœur battant, dans les bras de Françoise. D'accord, elle est moche avec sa grosse tête en forme de genou, mais question tendresse, il n'y a rien à redire.