Pour ceux qui envisageraient de lire davantage que le titre, je vous rassure, ce n’est pas sa seule qualité ; et en fait, Procrastination est même un très bon Pratchett. On y retrouve bien sûr la fantaisie qui est la marque de fabrique de son auteur, et des personnages récurrents savoureux, mais le thème est aussi l’occasion d’aborder des questions assez intéressantes, sur la façon dont le temps peut se distordre si bien que des moments peuvent paraître durer des secondes et d’autres des heures, par exemple.

Même Esprit
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 Une première qualité de ce 27e tome (qui peut se lire, rappelons-le, complètement indépendamment des 26 précédents) des Annales du Disque-Monde : le titre de sa version française ! Confirmant la qualité des traductions assurées depuis le premier tome par Patrick Couton, ce titre français surclasse l’original en anglais (Thief of time). Naturellement, Procrastination est un terme qui existe vraiment (et qui désigne (le saviez-vous ? ;p ) la pathologie universellement répandue qui consiste à remettre systématiquement les choses à plus tard), mais il est tellement peu utilisé, est si compliqué, et désigne une chose qui n’a tellement pas besoin de porter un nom, qu’il en devient rigolo.

Pour ceux qui envisageraient de lire davantage que le titre, je vous rassure, ce n’est pas sa seule qualité ; et en fait, Procrastination est même un très bon Pratchett. On y retrouve bien sûr la fantaisie qui est la marque de fabrique de son auteur, et des personnages récurrents savoureux (les Igor, sortes de monstres de Frankenstein qui sont les serviteurs traditionnels des savants fous, portent tous le même prénom, et ont pour coutume de se transmettre de père en fils leurs organes et leurs membres les plus efficaces et qu’ils se greffent à la place ou en plus des leurs propres ; la Mort, accompagnée ici de la Mort aux rats, son avatar chez les rongeurs,…) mais le thème est aussi l’occasion d’aborder des questions assez intéressantes, sur la façon dont le temps peut se distordre si bien que des moments peuvent paraître durer des secondes et d’autres des heures, par exemple.

On y fait aussi la rencontre des Contrôleurs, des entités sans corps qui n’aiment que l’ordre et cherchent à retrouver celui qui existait dans l’univers avant l’apparition de la vie (et qui ont trouvé dans l’Homme le seul être vivant capable de se tirer une balle dans le pied, et de servir leurs intérêts au détriment du sien) : contraints d’emprunter la forme humaine pour mettre leurs plans à exécution, ils découvrent avec cette enveloppe ce que signifie être humain, ce qui est la source de pas mal de gags de situation et de beaucoup de nonsense assez tordant. Du côté des gentils, on trouve notamment Lou-Tsé, moine zen a l’air de rien et dont la voie philosophique est elle aussi bien marrante (en gros, dans son tao, tous les koan sont des proverbes de bistrot et de la « sagesse de bonne femme ») mais qui sait découper le temps pour le prolonger et ainsi en gagner par rapport au commun des mortels, ce qui en fait un adversaire redoutable et justifie pleinement la Règle N°1. Et on trouve toujours comme d’habitude une foule de trouvailles rigolotes, dont cette fois une, formelle, dans le dessin d’un petit balancier qui ouvre chaque chapitre et dont le rythme révèle quelques bizarreries à celui qui y sera attentif.

 
Akodostef - Même Esprit
Publié le 29 avril 2011