Ce qui est surprenant dans ce volume, c’est que l’humour s’efface progressivement pour laisser place aux intrigues et à l’action. On se retrouve donc davantage dans un James Bond époque Roger Moore que dans la pantalonnade habituelle de l’univers.

Le Cinquième Elephant - Ouvrir les yeux
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Vingt-cinquième livre de la série du Disque-Monde ! [...]

S’il fallait tenter d’en définir le thème, ce serait Twillight avec moins de romance (mais y’en a !), James Bond avec moins de gadgets (mais y’en a) et le trône de fer avec moins de morts (mais… ah non, chez Pratchett, y’a pas de morts). Alors que le royaume d’Überwald – la contrée des nains, des vampires et des loups-garous – se cherche un nouveau roi, la réplique du pain des nains sur lesquels les rois nains s’assoient symboliquement pour « asseoir » leur pouvoir est volée dans un musée d’Ankh Morpork. Samuel Vimaire, le commissaire du guet, voudrait enquêter, mais le patricien préfère utiliser l’ascendance noble du commissaire pour l’envoyer en délégation au moment du couronnement. Un calcul à trois bandes, comme toujours, surtout que Vimaire va laisser Carotte continuer l’enquête. Carotte, qui, on le rappelle, est un humain qui se croit nain et est amoureux d’Angua, une louve-garou dont la famille vit en Überwald. Tandis que Vimaire découvre le bourbier de la diplomatie et des intrigues de cours, Carotte et Angua vivent une crise de couple qui les amènera tous deux à laisser leurs responsabilités au Guet d’Ankh-Morpork pour trouver des vérités disparues en Überwald, où de sinistres complots menacent la stabilité fragile du royaume…

Ce qui est surprenant dans ce volume, c’est que l’humour s’efface progressivement pour laisser place aux intrigues et à l’action. On se retrouve donc davantage dans un James Bond époque Roger Moore que dans la pantalonnade habituelle de l’univers. Au passage, cela confirme que les ouvrages autour du Guet sont les meilleurs de la série, avec certains épisodes des trois Sorcières. Une fois passé le début un peu confus et embrouillé – trop de « slapsticks » qui passent parfois mal à l’écrit, tant ce type d’humour repose sur une visualisation précise de la scène qui se perd parfois à la lecture ou la traduction – on se retrouve donc dans une intrigue complexe où les factions en présence (vampires, loups-garous, clans de nains, patricien, guet) jouent à des jeux dangereux, rarement totalement dans l’opposition, mais toujours dans le non-dit, le faux-semblant et l’espionnage. On se croirait propulsé en pleine guerre froide dans une région du Disque-Monde plutôt sinistre, avec ses étendues sauvages, ses villes antiques et sombres, ses cruautés sociales et les luttes de pouvoir.

Atypique, donc, ce vingt-cinquième ouvrage, et par conséquent une bonne bouffée d’air frais à un moment où un lecteur exigeant peut atteindre facilement le point où l’ennui surpasse le plaisir d’un auteur facétieux et prolixe, mais parfois un peu paresseux dans ses livraisons. Et cette distraction bienvenue permet de reconsidérer une série qui a peut-être encore quelques tours dans son sac.

Mario Heimburger

Publié le 19 mai 2021