Negrete - Seigneurs de l'Olympe - D. Labbé
Les racines de la fantasy plongent au cœur des mythes et des légendes,
y trouvant un limon fertile au développement de ses héros qui, à
l'instar de ceux de l'Antiquité, mènent des quêtes initiatrices
porteuses de sens et de symboles. C'est justement à la recherche de ces
symboles que s'est lancé l'écrivain espagnol Javier Negrette en
s'appropriant la cosmogonie grecque pour mieux réécrire ce mythe
fondateur. Car ces Seigneurs de l'Olympe
ne sont autres que Zeus, Rhéa, Gaia, Hermès, Héphaïstos, Arès, Athéna,
Apollon ou Prométhée dont on suit les aventures tout au long d'un roman
riche en péripéties et rebondissements divers. Pourtant, Javier Negrete
ne se limite pas à une actualisation du mythe, il fait réellement œuvre
de réécriture, dans la plus pure tradition d'un Molière s'appropriant
le Dom Juan de Tirso de Molina, ou Eric-Emmanuel Schmitt faisant de
celui-ci, un homosexuel dans La Nuit de Valognes.
D'aucuns
vont sans doute s'étonner de la manière dont Javier Negrete s'est
emparé de cette cosmogonie grecque qui alimente l'imaginaire européen
depuis plusieurs millénaires, d'autres vont même s'en offusquer, n'y
retrouvant pas les référents habituels. Mais le propre d'une
réécriture, c'est justement de relire un mythe littéraire, ce que fait
avec talent l'écrivain espagnol qui prend volontairement le parti de
troubler les esprits, de changer les repères habituels. Ainsi, Hadès
n'est pas le dieu sûr de lui qu'on a l'habitude de croiser, Prométhée
est enchaîné de manière symbolique, Zeus parcourt le monde comme
Héraclès le fera par la suite. Cela peut déranger, mais un écrivain
doit servir la littérature en créant, non en reproduisant les mêmes
schémas que ses prédécesseurs. En modifiant des paramètres faussement
établis par une doxa (l'idée généralement ancrée dans l'imaginaire
collectif), l'auteur nourrit le mythe et le fait grandir.
On lit donc avec curiosité et intérêt les aventures de ces dieux qui,
finalement, agissent beaucoup comme des hommes et comme les héros que
sont leurs enfants. En revenant aux sources de ces mythes, Seigneurs de l'Olympe
nous offre un bon roman de fantasy, original, novateur, qui se sert de
symboles et de motifs connus de tous (anneau, chaînes, flèches, pactes,
échanges…) pour mieux nous montrer que l'homme crée ses dieux à son
image et que l'image d'un dieu peut se modifier avec le temps. Il est
certain qu'en 2006, les Hommes n'attendent pas des dieux grecs les
mêmes exploits qu'en 1 000 avant J.C. Les lecteurs non plus. Il faut se
plonger dans ce roman avec un œil neuf, en faisant abstraction de ce
qu'on a déjà lu, et surtout de ce qu'on a cru lire. Car la plupart du
temps, les connaissances mythologiques se font de manière indirecte.
Aussi vaut-il mieux lire l'Iliade, l'Odyssée, l'Enéide et pour comprendre le tout Les Mythes grecs
de Robert Graves, même si certains côtés sont un peu romantiques. Une
lecture à conseiller, pour un auteur exigeant qui nous offre toujours
de bien beaux voyages.
Denis Labbé, Lefantastique.net
Publié le 14 mai 2008