Guy Gavriel Kay présente une fantasy sociale en plaçant l’être humain dans un monde instable. Nous découvrons avant tout des histoires personnelles ; de personnes impliquées dans des changements monumentaux. Le tout est non choisi : destins qui se dessinent, certains qui deviennent des héros anonymes, d’autres qui connaissent une fin de vie rapide. On pourrait les qualifier ainsi : des gens ordinaires aux desseins extraordinaires.
Par ce roman polyphonique, nous rencontrons des marchands, dirigeants, commandants, conseillers, fermiers, brigands, capitaines maritimes, espion, archère, prêtresses. Les personnages féminins se révèlent réussis : les femmes sont fortes et puissantes. L’ensemble des personnages est non factice. Ils tentent de survivre en négociant sur les terrains politiques et sociaux.
Les personnages sont élégamment articulés, l’auteur y prend soin. Il est aussi un maître d’angles de vue : certains passages sont vus parfois par plusieurs personnages et relatés en tant que tels. Si ces multiples perspectives peuvent paraitre comme un peu ennuyantes, il faut laisser se dessiner ces destinées interconnectées pour mieux appréhender la dimension qu’elles offrent. Le tout enrichit non seulement l’intrigue générale mais en nourrit des secondaires.
Les enfants de la Terre et du Ciel se déroule vingt-cinq années après l’histoire de La mosaïque de Sarance. Les clins d’œil envers ce récit et celui des Lions d'Al Rassan toutefois discrets ; il n’est pas nécessaire d’avoir lu ces romans pour comprendre celui-ci tant les connexions sont subtiles. Ce territoire est tombé et est devenu Asharias. Les conflits politiques s’étendent entre Senjan et Séresse et plusieurs peuples s’affrontent alors : Asharites (musulmans), Jaddites (chrétiens) et Kindaths (juifs).
L’aspect historique de cette histoire prend naissance dans la situation géopolitique des Balkans au XVe siècle après la chute de Constantinople ; c’est dans ce cadre méditerranéen que se campe le récit. Guy Gavriel Kay s’approprie une époque et inclut une pointe de fantastique comme souvent.
Je me suis peu attachée aux personnages : mon empathie pour eux a moins vibré car j’ai semblé – en tant que lectrice – manquer de temps avec chacun d’entre eux. Les multiples points de vue narratifs m’ont donné une impression discontinue, avec une intrigue plus morcelée. Il faut dire que ce roman souffre de la comparaison avec l’excellent que j’ai dévoré en mars dernier. Comparé à l’ensemble de la bibliographie de l’auteur, ce roman n’est pas mon préféré. Je reste objective : l’histoire se révèle remarquable en tant que telle.
Guy Gavriel Kay prouve encore une fois ses talents de conteur, en proposant une belle prose mais aussi des moments doux amers. Il tisse d’anciennes histoires où se mêlent l’aventure, les amours, le danger et les guerres. C’est une réflexion tantôt profonde tantôt ironique qui nous amène sur les thématiques de l’héroïsme et de l’honneur, du chagrin et de l’amour.
L’intrigue, ponctuée de beaux instants, démarre lentement pour devenir poignante. Un cinquième du contenu est consacré à la présentation des personnages. L’ensemble se trouve être non étouffant et se lit rapidement. Quelques actions me sont apparues un peu étrangères à l’ensemble, conséquence d’une approche inhabituelle – et forte intéressante – de la part de l’auteur.
L’univers est luxuriant de détails, offre une profondeur que l’on sait nourrie par des recherches poussées et soignées. Les situations de réflexion demeurent le point central du récit et donnent un caractère réel à ces personnages.