Eschbach - Jésus Video - ActuSF
Que se passerait-il si un voyageur dans le temps filmait Jésus en
personne pour cacher ensuite l’enregistrement pour les générations
futures ?
Qu’ils sont rares les
auteurs allemands de science-fiction, mondialement connus. Andreas
Eschbach fait partie de ce groupe restreint. Et pour cause ! La France
le découvre à l’aube du nouveau millénaire avec
Des milliards de tapis de cheveux,
qui s’apprête à être réédité par les éditions L’Atalante, juste avant
les fêtes de fin d’année (quelle belle idée !). Cette première œuvre
traduite en France signait un renouveau et un nouvel élan dans la SF
allemande. Par la suite, Eschbach continuera à servir au public des
œuvres riches, complexes, et brillantes, comme
Kwest,
Le dernier de son espèce,
En panne sèche, ou plus récemment l’excellent
Maître de la matière.
Il situe ses histoires aussi bien dans notre monde actuel que dans des
créations de son esprit, avec toujours une cohérence réussie. Son roman
Jésus Vidéo,
sorti initialement en 2001 et réédité 15 ans plus tard, est à ce jour
son plus gros succès. Et voilà que 15 années plus tard, une suite
s’impose :
L’Affaire Jésus.
Une boucle temporelle.
Stephen Foxx, étudiant, archéologue
amateur et bénévole, petit génie de l’informatique et de l’économie,
s’engage comme volontaire sur un site de fouilles en Israël. Alors qu’il
effectue son travail avec une certaine conscience professionnelle,
voilà qu’il découvre, sur sa parcelle, un squelette qui tient à ses
côtés une petite bourse, dans laquelle on trouvera le mode d’emploi d’un
caméscope qui n’est, à ce jour, par encore commercialisé.
S’engage alors une course poursuite
pour comprendre comment c’est possible, mais aussi pour chercher la
caméra. S’impose très rapidement l’idée que cette caméra, vieille de 2
000 ans comme le squelette, ne peut qu’avoir capté des moments de la vie
de Jésus Christ.
Mais une telle découverte n’est pas
sans conséquence. Le Vatican ne compte pas se laisser doubler par cette
vidéo. Et le grand chef d’entreprise John Kaun, multimilliardaire pas si
philanthrope que ça, désire plus que n’importe qui mettre la main sur
l’argent que peut représenter cette caméra. Et c’est sans compter la
police israélienne...
Un voyage dans le temps ?
Le thème du voyage dans le temps est
omniprésent dans la science-fiction. Beaucoup de grands auteurs ont
exploré cette possibilité dans leurs romans, comme Poul Anderson, Robert
Heinlein, Pierre Boulle, Philip K. Dick, Michael Moorcock, ou encore
Robert Silverberg. Eschbach ne fait pas défaut à cet élément phare de la
SF dans Jésus Vidéo. Mais il pousse le concept plus
loin encore en y ajoutant un rapport religieux très présent, donnant une
dimension mystique à l’intrigue, et offrant alors de riches
rebondissements et réflexions sur la naissance et le développement des
religions. Et puis, si l’intrigue happe tant le lecteur, c’est bien
parce que l’auteur arrive à nous faire douter de la véracité de toute
cette histoire jusqu’à la dernière page. On avance alors, prudemment,
aux côtés de Stephen Foxx dans une quête qui paraît tellement
inconcevable qu’elle nous fait perdre haleine.
Chaque personnage est particulièrement
intéressant. De l’auteur de SF allemand, embauché par Kaun, le chef
d’entreprise, pour ses réflexions et son imagination vis-à-vis du voyage
dans le temps, à Wilford-Smith, l’archéologue mystérieux, faisant sa
carrière sur le tard, et s’effaçant progressivement face à cette affaire
qui paraît trop grande pour lui. Chacun des protagonistes prend une
ampleur intéressante avec l’avancée de l’intrigue. Les compagnons de
Stephen Foxx, frère et sœur tout deux déçu par un père omnubilé par des
fantômes historiques, offriront une vision riche et intéressante de la
Palestine historique, alors que Ryan, le garde du corps, montrera les
déboires possibles des hommes tout puissants, sans limites.
La diversité de personnages rythmera
l’intrigue de ce thriller, et permettra aux lecteurs de ne pas s’ennuyer
une seule seconde. Néanmoins, on retrouvera quelques facilités sans
originalité : la course poursuite reste fidèle à ce qu’on retrouve trop
souvent dans d’autres productions littéraires, et les personnages
révèlent quelques éléments caricaturaux. On s’éloigne un peu de
l’immense talent qu’Eschbach nous a servi dans
Des milliards de tapis de cheveux dans sa composante poétique, ou dans
Maître de la matière (sorti bien après, rappelons-le) dans sa construction et sa qualité d’écriture.
Mais ne boudons pas notre plaisir : Jésus Vidéo est un très bon moment de lecture, dans la catégorie des thrillers SF. Et la sortie de L’Affaire Jésus risque de renouveler le plaisir, et de donner sûrement une dimension supplémentaire à toute cette histoire !
Bastien Roche
ActuSF
Publié le 15 décembre 2016