Un gros coup de cœur pour cet ouvrage qui contribue à renforcer mon affection toute particulière pour cet écrivain vraiment doué.

Le capharnaüm éclairé
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Chronique d’un très beau cadeau de Noël aujourd’hui avec Metro 2035 de Dmitry Glukhovsky offert par ma chère et tendre. Avec les événements personnels qui se sont accumulés et le planning chargé qui en découle, j’ai du retarder cette lecture malgré une envie irrépressible de replonger dans cette saga qui m’a totalement séduit lors de mes deux précédentes lectures avec Metro 2033 et Metro 2034. C’est donc entre deux biberons et autres activités de néo papa que j’ai parcouru et dévoré les 768 pages de ce tome qui conclut le triptyque de manière logique et brillante.

On retrouve dans ce troisième tome Artyom l’antihéros qui m’avait tant plu dans Metro 2033. Célébré dans sa station comme un héros, celui qui a sauvé le métro des "Noirs" suite à une quête homérique à travers les couloirs du métro moscovite vit tranquillement avec sa compagne Anna entre tours de garde, fabrication d’électricité et culture de champignons (élément de base de la nourriture des troglodytes que sont devenus les habitants de l’ancienne capitale). Cependant une obsession le poursuit nuit et jour, celle de cette voix entendue sur les ondes à la fin de son aventure et qui prouverait qu’il y a des survivants à l’extérieur, des personnes qui comme les habitants du métro russe auraient survécu à l’apocalypse nucléaire qui s’est déroulé une vingtaine d’années auparavant. En tant que Stalker (aventurier et explorateur de la surface), il retourne tous les jours malgré la réprobation générale dans les ruines de Moscou pour essayer de capter un putatif signe radio qui avaliserait sa théorie d’une survivance possible du monde. En cela, il met clairement sa vie en danger avec les radiations qui affaiblissent son corps et son esprit lentement et irrémédiablement. Il passe pour un fou et comme Cassandre en son temps, il est condamné à ne pas être cru...

L’arrivée d’Homère, vieil homme croisé par le lecteur dans Metro 2034, un homme habité par sa mission de rédiger une Histoire du métro à la manière des vieilles chroniques médiévales, va bouleverser la routine d’Artyom et le pousser à partir à nouveau en quête de réponses. Sacrifiant sa vie de couple qui est déjà bien fragile, abandonnant les siens dont Soukoï son père adoptif, le voila de nouveau en errance dans un monde souterrain plus dangereux que jamais. Les factions antagonistes, les mutants et autres éléments hostiles pullulent et derrière tout cela, un grand secret se profile au gré des pages qui finissent par aboutir à une révélation pour le moins sensationnelle qui remet tout en cause et va rabattre définitivement toutes les cartes soigneusement jouées par l’auteur depuis le premier volume. Je peux d’ores et déjà vous dire que la chute est vertigineuse que ce soit pour nous ou pour Artyom !

Avec Metro 2035, Glukhovsky enrichit encore le background de l’univers foisonnant qu’il a crée. On explore davantage le monde extérieur avec notamment une expédition vers une mystérieuse base avancée. Pour autant, on retrouve aussi énormément d’éléments vus précédemment, de groupuscules fréquentés souvent pour le pire par le héros. À commencer par le Quatrième Reich et la Ligue Rouge, des extrémistes qui essaient de pousser leur avantage lors d’actions spectaculaires. Deux ans se sont déroulés depuis Metro 2033 et les rapports de force ont évolué. Artyom s’en rendra vite compte, devra composer avec chaque camp pour progresser vers son but tout en s’arrangeant avec la morale élémentaire. À de nombreuses reprises, il sera le témoin d’horreurs et d’exécutions qui mettent à mal ses certitudes et ses croyances. En cela, cet ouvrage dépeint merveilleusement bien les logiques de pouvoir et de manipulation des masses, sans concession et avec un réalisme crû. On ressort forcément fortement ébranlé de cette lecture.

Surtout qu’il est difficile de se raccrocher à qui que ce soit car tous les personnages ont leur part d’ombre et de lumière, leurs psychés sont ici exposées sans fioriture et dans toutes leurs complexités réciproques. Des sentiments mêlés hantent l’esprit du lecteur durant sa lecture car Glukhovsky excelle toujours autant à décrire les affres de la condition humaine comme dans chacun de ses ouvrages. Celui-ci ne fait pas exception à la règle et n’essayez donc surtout pas de vous attacher plus que de raison aux personnages, vous pourriez être déçus. En effet, ce monde post-apocalyptique réduit tous les êtres humains à une somme de pulsions primaires tendues vers la survie, recroquevillés qu’ils sont vers leurs besoins primordiaux... Tout cela ne peut que dégénérer. Il y a donc peu ou pas d’espoir d’apercevoir de la lumière au but du tunnel... mais on apprécie ce voyage intense dans ce monde crépusculaire en pleine déréliction.

L’écriture de l’auteur est toujours aussi addictive, profonde et incisive à la fois, chaque chapitre s’apparente à une révélation supplémentaire qui laisse le lecteur KO debout entre descriptions inspirées et scènes d’action gérées au cordeau. Dans le style SF post-apo, on est ici pas loin de la perfection et la fin bien dark est plus que satisfaisante. Un gros coup de cœur pour cet ouvrage qui contribue à renforcer mon affection toute particulière pour cet écrivain vraiment doué. Il me tarde déjà de voir ce qu’il nous réserve dans l’avenir !

Publié le 30 mars 2020