On peut même dire que pour ce tome conclusif des aventures d’Honor Harrington, l’auteur américain a mis les petits plats dans les grands.

Sans Concession - Le culte d'Apophis
Article Original

Commençons par la fin : postface, cycles de l’Honorverse et dernières nouvelles de David Weber

La très intéressante postface signée David Weber commence par rappeler une évidence (que Honor Harrington a été modelée sur Horatio Hornblower, y compris aux niveau des initiales !), quelques points bien connus des connaisseurs (qu’initialement, le cycle devait se terminer à la fin du tome 11, avec la mort d’Honor), puis il explique que son intention était, à cette époque, d’entamer un nouveau cycle, situé 25-30 ans plus tard, et mettant en scène les enfants de l’héroïne, assistés de certains des protagonistes introduits dans L'ombre de Saganami (depuis le temps que je vous martèle qu’Abigail Hearns est un des possibles remplaçants d’Honor en tant que personnage principal ou en tout cas de premier plan, vous allez finir par me croire !). Sauf que quand la rumeur a fuité, les fans de l’Honorverse en ont été très émus, et que l’auteur s’étant lui-même fortement attaché à sa création, il a décidé de la laisser survivre. Nous apprenons aussi que l’arc Solarien / Mesan n’aurait dû avoir lieu que, donc, une grosse génération après la bataille de Manticore, mais que la collaboration avec Eric Flint sur le cycle La couronne des esclaves a forcé Weber à tout avancer à l’époque d’Honor Harrington.

Là où cette postface devient très intéressante, c’est qu’elle explique 1/ que ce n’est pas parce que le cycle principal est terminé que nous ne reverrons plus Honor Harrington dans les autres cycles, ceux qui existent déjà (Saganami ou La couronne des esclaves) ou d’autres, et que 2/ certes, seul l’arc Solarien est réglé dans ce tome 14, mais l’arc Mesan continuera dans d’autres livres de l’Honorverse. Et que celui-ci ne va pas s’arrêter avec le cycle principal, mais continuer, y compris pour explorer des pans de cet univers que Weber voulait arpenter depuis fort longtemps. De toute façon, outre les deux sous-cycles que j’ai déjà évoqués, d’autres sagas se déroulent déjà dans l’Honorverse, comme la série de recueils de nouvelles Autour d’Honor, et surtout comme les cycles qui n’ont pas été traduits en français (et qui ne le seront clairement jamais), la trilogie Young Adult (si, si !) The Star Kingdom (qui met en jeu Stéphanie, une des ancêtres d’Honor) ou Manticore Ascendant (qui se déroule onze ans après The Star Kingdom, met en scène un autre personnage -masculin- et est centrée sur la modeste FRM de l’époque).

Il faut se rendre sur le principal forum consacré à l’Honorverse pour en apprendre plus sur les futurs projets de Weber, de la plume même de l’intéressé : je traduis, je me limite à l’Honorverse et je résume, l’auteur travaille (le plus souvent en écriture à quatre, voire six mains) sur un nouveau tome de Manticore Ascendant, trois (!) de Star Kingdom, et, et c’est le plus intéressant, sur un quatrième tome de La couronne des esclaves, qui sera la suite directe de Sans concession et montrera la traque de l’Alignement par Cachat / Zilwicki et quelques nouveaux alliés dont je vais taire l’identité mais que vous découvrirez en lisant ce tome 14. Encore plus fascinant, il dévoile le fameux pan inédit de son univers qu’il explorera dans un futur un peu plus lointain (il a plusieurs autres projets, non liés à l’Honorverse, auxquels il va travailler avant ça), à savoir la carrière en tant que Fusilier d’un certain Alfred Harrington, le papa d’Honor !

Bref, tout ça pour clairement établir deux choses : 1/ Sans concession ne marque QUE la fin de l’arc Solarien, l’arc Mesan sera réglé dans d’autres livres faisant partie de l’Honorverse MAIS PAS DU CYCLE PRINCIPAL, à commencer par le futur tome 4 de La couronne des esclaves 2/ vu le nombre de projets liés à l’Honorverse, le fait que le tome 14 finisse le cycle principal (dont la protagoniste est Honor Harrington) ne met en aucun cas un terme à l’Honorverse, puisque de nombreux projets sont dans les tuyaux. Et de toute façon, Weber précise dans la postface de ce tome 14 que nous reverrons sans aucun doute Honor, mais pas à la barre d’un Supercuirassé ou à la tête d’une flotte (elle est trop gradée pour ça). De toute façon, les lecteurs des cycles annexes l’ont déjà vue, en tant que personnage secondaire et par les yeux d’autres protagonistes, donc ils savent à la fois que c’est possible et qu’Honor n’y perd pas en envergure… bien au contraire, même.

J’en termine avec deux remarques : Weber ayant, au moment où je rédige ces lignes, 67 ans, on pourrait légitimement se demander s’il aura le temps de mener l’intégralité de ces projets à bien ; c’est oublier, cependant, qu’un nombre conséquent d’auteurs a co-écrit certains textes avec lui, et que de toute façon, il a, aux USA, où la SF militaire est incomparablement plus populaire que chez nous, influencé un nombre considérable d’autres écrivains, ce qui fait que même s’il venait à décéder demain, je suis persuadé qu’il aurait laissé assez de notes et autres suggestions pour que l’Honorverse survive bien longtemps après sa mort. J’espère toutefois qu’il sera en mesure d’écrire assez longtemps pour mettre en scène la fin de l’arc Mesan, qui, à mon sens, reprendra son idée initiale d’opposer les enfants d’Honor à l’Alignement.

Base de l’intrigue, découpage

Comme d’habitude ou presque, ce tome 14 est découpé par l’Atalante en deux volumes, d’environ 570 et 530 pages respectivement (le second étant parfois très aéré, du genre un paragraphe seulement sur une page entière). Dans un roman « normal » du cycle principal ou de Saganami, il y a toujours une grosse bataille, qui fait dans les 80-100 pages, parfois plus. Eh bien là… il y en a quatre, alors que ce tome 14 n’est pas significativement plus grand que ses prédécesseurs (post-tome 5). Ces batailles servent à structurer l’intrigue : il y en a deux (les plus intéressantes) dans le volume 1, et deux autres (dont une qui conclut presque le roman) dans le 2. Entre ces batailles, on alterne conférences stratégiques solariennes ou Manticoriennes, enquête des « chasseurs de fantômes » (ces membres de la communauté de la Sécurité et du renseignement Solarien qui se demandent si Manticore n’aurait pas raison à propos de Mesa), quelques scènes dans le quadrant de Talbot ou de vie quotidienne de certains des protagonistes (dont Honor ou, tiens, tiens, Abigail Hearns), ainsi que celles servant à mettre en vedette un personnage qui apparaissait déjà dans un des cycles dérivés et qui va avoir un rôle à jouer dans le futur tome 4 de La couronne des esclaves.

Ces scènes s’insérant avant la première scène de bataille ou entre deux des autres ne sont jamais totalement inintéressantes ou non-pertinentes (il y en a même qui sont de grande valeur, dont une concernant Nimitz dont je ne dirai rien de plus mais que vous reconnaîtrez tout de suite si vous lisez ce tome 14), mais souvent, Weber tire à la ligne, même si le résultat n’est en rien comparable aux très mauvais tomes 9 et 10. Quoi qu’il en soit, on est vaguement inquiet jusqu’à ce qu’on atteigne la page 150 du volume 1, où la baston commence.

Précision très importante : il a été possible, pendant une certaine phase du cycle principal, de se dispenser de lire les deux cycles annexes Saganami et La couronne des esclaves, parce que 1/ ils se déroulaient en parallèle et que 2/ Weber vous fournissait un résumé succinct mais relativement suffisant des tenants et des aboutissants. Clairement, dans ce tome 14, ce n’est plus possible, vu que les événements des trois cycles « fusionnent » et que vous ne comprendrez plus grand chose si vous n’avez pas lu les cycles annexes.

Mais revenons à la baston : après les raclées qu’ils se sont prises dans les tomes précédents et ceux de Saganami, et alors que de plus en plus de planètes menacent de faire sécession et de rejoindre l’Alliance, la FLS adopte une nouvelle tactique : plutôt que d’aller affronter courageusement la FRM et ses alliés, les solariens décident de mener des raids dans des systèmes sans défense (locale ou Manticorienne) afin d’y détruire les infrastructures orbitales et plus généralement spatiales, afin de faire comprendre au gouvernement local que rejoindre l’Alliance n’est pas une option (et de forcer cette dernière à diviser ses forces, l’empêchant de monter ses propres attaques massives). On verra, lors de ces raids, que certains amiraux solariens, les plus décents, laissent le temps aux autorités locales d’évacuer leurs installations avant de tirer dessus, tandis que d’autres, sans scrupules et / ou poussés par la peur qu’une escadre de la FRM / Graysonienne ne débarque et ne les fasse tous exploser, tirent sans respecter de délais avant de s’enfuir. Cette attitude, ainsi que certains massacres perpétrés directement sur les Manticoriens ou leurs alliés les plus proches par Mesa et / ou les solariens, va pousser l’Empire Stellaire à passer à l’ultime étape : après la diplomatie, après la guerre économique, après les actions purement défensives, place à l’offensive !

Vous aurez probablement remarqué qu’outre les allégories initiales Napoléoniennes ou Révolutionnaires (en Havre : rappelez-vous de Rob S. Pierre !), voire stalino-nazies (SerSec), et les équivalents des évolutions technologiques navales (le passage du canon au missile, la création des porte-avions, le fait que le -super-cuirassé [non Porte-capsules]- devienne obsolète chez les Solariens et soit remplacé par les Croiseurs de bataille -et dans le monde réel, par des frégates et des destroyers lance-missiles-), ce tome montre spécifiquement l’évolution de la guerre elle-même, pas seulement celle des équipements employés pour la faire : on passe d’une conception pré-Napoléonienne (bataille « en rase campagne » ne mettant pas en jeu de civils) à la guerre « totale » où les tactiques de terreur sont conduites sans soucis de dommages collatéraux ou de pertes civiles.

Baston ! 

Quatre batailles, donc, chacune d’un intérêt, d’une longueur et servant un but différent. La première commence vers la page 150, en dure cent de plus, se déroule dans les systèmes de Prime et d’Ajay (reliés par un Hyperpont), et a pour but de vous montrer que certes, la FRM est la plus forte, mais pour combien de temps encore, telle est la question… En effet, la puissance industrielle et en matière de R&D de la Ligue Solarienne est telle que, bien aidée par Technodyne (elle même approvisionnée en designs maison ou copiés sur ceux des Manticoriens en provenance directe de l’Alignement), la FLS commence à mettre en jeu un matériel de meilleure qualité. Tout le problème pour Manticore est que le Royaume ne veut pas donner raison à la propagande solarienne en passant à l’offensive et que sa pénurie en matière d’approvisionnement depuis la Frappe de Yawata n’est pas encore réglée, loin de là. Cette première bataille est déjà très intéressante (notamment via l’utilisation d’une tactique de micro-saut inédite, il me semble), mais elle est largement dépassée par la suivante. Elle sert à montrer que plus la guerre se prolongera, plus le déséquilibre technologique initial en faveur de la FRM s’équilibrera, et que la puissance industrielle de la Ligue finira par écraser ladite FRM sous le nombre ou sur la longueur, même si pour l’instant, cette dernière colle raclée sur raclée aux Solariens.

Le second combat a toujours lieu dans le volume 1, commence environ 125 pages après la fin de la première bataille, et dure tout de même 80 pages. Il se déroule dans le système d’Hypatie, très lié à Manticore et surtout à Beowulf, et fortement tenté de rejoindre l’Alliance. Cette fois, les Manticoriens vont passer un très sale quart d’heure, quand une petite force composée d’à peine un Victoire, 3 Saganami-C et un contre-torpilleur de classe Roland va être tout ce qui se dresse entre l’infrastructure industrielle du système et une énorme force solarienne composée de 98 croiseurs de combat, 40 croiseurs et 32 contre-torpilleurs. Ce qui fait donc du 5 contre 170, sachant en plus que ces cinq vaisseaux ne disposent ni de Mycroft, ni de capsules, ni du PBAL (l’équivalent du porte-avions dans cet univers) qui aurait pu équilibrer les choses. Et que l’amiral solarien responsable de l’opération est un salopard de première classe, qui n’en a rien à faire des pertes civiles ou de tirer sur des vaisseaux manticoriens hors de combat, en violation flagrante de toutes les conventions interstellaires sur la conduite d’une guerre. Ce second combat a pour but de vous montrer que la technologie manticorienne ne rend pas la FRM invincible, et que si les solariens disposent d’un avantage numérique suffisant, ses croiseurs peuvent bel et bien être détruits par la FLS. Il sert aussi à montrer que certains solariens sont des « justes » prêts à mettre leur liberté, leur vie et leur carrière en danger pour éviter de participer à l’exécution d’ordres illégaux et de crimes de guerre. Elle montre enfin tout l’héroïsme Manticorien et la haute valeur morale de ses citoyens, la FRM étant prête, comme jadis à Grayson, à perdre ses vaisseaux et ses hommes pour protéger des étrangers. Si on ajoute à cela des scènes vues du côté des civils locaux et plutôt réussies (même si on aurait pu se dispenser de la petite fille et de Grosminet, hein), on obtient là un des meilleurs combats de tout le cycle principal, aussi bien sur le strict plan militaire que dramatique.

Il vous faudra ensuite patienter 450 pages (si, si) pour avoir droit à la troisième bataille, qui se déroule dans le système de Beowulf, commence à la page 325 du volume 2 et dure 70 pages très, très aérées. Je vais dire très peu de choses sur cet engagement, pour ne pas spoiler, mais disons que sur le plan militaire, il est relativement peu intéressant (son principal intérêt est de montrer le nouveau missile Hasta solarien, la « balle magique » mesane et une nouvelle tactique côté manticorien), que je lui trouve beaucoup de redites avec une bataille d’un tome antérieur, que Weber y abuse encore d’un procédé auquel il a fait un recours excessif dans le cycle dérivé La couronne des esclaves, mais que par contre, sur le plan dramatique, ce combat envoie mais alors carrément du lourd (mais voyez plus loin tout de même…). Son principal but est de « forcer » l’Alliance à passer à l’offensive, catalysant donc LA LUTTE FINALE, groupons-nous et demain, l’internationale sera le genre humain, c’est la lutte finale… mais qu’est-ce que je raconte, moi ?

La quatrième bataille, donc, va mener une KOLOSSALE (comme diraient nos amis teutons -ou Andermiens-) flotte de l’Alliance rendre la politesse aux Solariens… dans le Système Solaire. Si, si. On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’une surprise, ni d’un spoiler, vu que ça ne pouvait clairement finir que comme ça. Là où, par contre, j’ai été étonné, c’est que je voyais les pages défiler par dizaines en me demandant comment l’auteur allait pouvoir régler son compte à l’Alignement en si peu de temps. La réponse est en fait simple : il ne le fait pas. C’est pour ça que depuis le début de cette critique, je vous mets en garde : oui, c’est la fin des aventures d’HH, mais non, tout n’est pas réglé, loin de là. Sinon, militairement parlant, cette bataille (si on peut appeler ça comme ça) n’a aucun intérêt, à ceci près que la précédente a catalysé un gros changement psychologique chez Honor, et que ce que l’auteur appelle « la Salamandre » (la partie la plus martiale de la psychologie du personnage, par opposition à Honor, qui porte bien son prénom) et que je préfère, pour ma part, appeler « Dark Honor », a pris les commandes, et qu’elle cherche incontestablement le moindre prétexte pour massacrer des solariens complètement à la ramasse sur le plan militaire et technologique pour le moment. Et c’est là qu’a eu lieu un des quelques griefs (voir plus loin) que j’ai envers ce livre globalement très bon : pour la sortir de cet état, Weber va avoir recours à un retournement de situation qui, de mon point de vue, casse complètement l’impact considérable d’un événement précédent et qui, de plus, est à la fois irréaliste et inutile (on voit bien que les subordonnés et amis d’Honor l’auraient ramenée à la raison de toute façon, sans parler de sa conscience).

Hasta la vista, baby *

 * (le terme Hasta fait en réalité évidemment référence à la lance des légions romaines, et pas à la réplique légendaire de Schwarzy, mais l’occasion était trop belle).

Un des grands plaisirs en SF militaire, et tout particulièrement chez David Weber, est de voir l’introduction d’une nouvelle arme, d’une tactique inédite, d’une classe de vaisseaux révolutionnaire, et ce tome 14 ne déroge certainement pas à cette tradition. On peut même dire que pour ce tome conclusif des aventures d’Honor Harrington, l’auteur américain a mis les petits plats dans les grands. Mais en même temps, quand Foraker s’associe avec Hemphill (une scène qui vaut son pesant d’or !), ou que les Mesans soufflent les designs d’armes avancées à Technodyne, qui les fournit massivement aux Solariens, cela ne peut conduire qu’à un festival. Cataphractes-C (très) améliorés, missiles Hasta, drones balle magique Mesans, Lorelei manticorien, mines-graser à plusieurs coups, vaisseaux rapides de soutien de classe David Taylor (sur lesquels Weber reste d’une discrétion frustrante), capsules propulsées solariennes Husky révolutionnaires, Porte-BAL manticorien de classe Hydre, c’est d’un vrai feu d’artifice dont il s’agit.

Il y a une autre innovation en matière d’armement dans le tome 14, mais il serait cri-mi-nel de ma part d’en parler. Disons que c’est quelque chose de tellement évident que je me demande comment ça n’est pas arrivé plus tôt dans le cycle, mais les scènes concernées gardent un énorme intérêt (et sont très amusantes, dans leur genre).

Thème connexe, on signalera qu’on en apprend bien plus sur les infrastructures du Système Solaire (et celles de Beowulf, même si c’est évidemment moins intéressant), et que l’auteur lâche à un moment, mine de rien, OKLM, en bermuda et en tongs, une énorme révélation sur les ancêtres d’Honor.

Petits défauts, vraies qualités et fin très réussie

Outre ceux que j’ai déjà détaillés (longueurs relatives, réutilisation de certains procédés déjà employés, parfois jusqu’à l’excès, bataille finale prévisible, retournement de situation sur un point précis cassant en partie une scène dramatique antérieure), il y a quelques autres petits défauts : je citerai le changement de statut d’un personnage secondaire introduit dans les cycles annexes, qui m’a paru assez peu réaliste, certaines scènes de la vie de tous les jours d’Honor ou d’Abigail, qu’on ne pardonnera pour la première que parce qu’il s’agit du dernier tome et pour la seconde parce que ça sert à bien vous faire comprendre qu’Abby est une des prochaines Honor Harrington potentielles (au cas où vous ne l’auriez pas déduit depuis des années), avec la fille ou la sœur de l’intéressée, et peut-être surtout une bataille finale très décevante (je m’attendais à quelque chose d’apocalyptique, dans la veine de celle du tome 11, et pas du tout).

Mais les qualités du livre l’emportent largement sur ses défauts : trois des quatre batailles sont très intéressantes, à des degrés ou pour des raisons différentes ; les chats sylvestres ont un rôle encore accru, et l’immersion dans leur tête est carrément fascinante ; la psychologie d’Honor est très bien exploitée, surtout à la toute fin du livre, même si on peut déplorer un certain passage dont je ne dirai rien de plus ; le roman boucle de façon très satisfaisante l’arc solarien ; certaines scènes sont d’une puissance dramatique colossale ; il n’y a pas de manichéisme (il y a des justes chez les solariens, un côté impitoyable chez Honor, et le personnage secondaire dont je parlais illustre bien le fait qu’il n’y a ni blanc, ni noir, mais que des nuances de gris) ; il y a une vraie réflexion sur la guerre totale, les crimes de guerre, le respect des accords interstellaires / internationaux (et le fait que le chagrin et la colère -sans parler de la propagande- puissent aveugler même des gens bien et intelligents) ; mais surtout, la fin, la sortie du personnage d’Honor, est très, très réussie : je dirais même qu’elle est, de mon point de vue, parfaite.

Bref, en un mot comme en cent, un tome 14 franchement réussi (un des meilleurs du cycle, à mon sens), et une très belle sortie pour un des personnages les plus fascinants qu’ait produit la SF ces deux dernières décennies.

J’ajoute que certaines choses qui sont montrées tout au long du livre (l’installation de Graysoniens sur Manticore, l’expansion des Chats sylvestres dans l’espace, l’esquisse de l’avenir de l’Alliance donnée par la reine dans l’épilogue) donnent un aperçu absolument fascinant de ce que pourrait être cet univers, ne serait-ce que, hum, 25-30 ans dans le futur. De même que l’étrange focalisation sur Abigail Hearns (qui n’a pas grand-chose à faire dans ce tome, à la base), les scènes en apparence peu utiles avec les enfants d’Honor, ou le coup de coude de l’auteur, avec clin d’œil appuyé, à propos des Andermiens et de leur impérialisme « éclairé ». Vous le voyez, le prochain cycle, arriver, là ? Toute la question est de savoir qui en sera le héros ou l’héroïne, vu que pour moi, il y a au moins cinq possibilités distinctes (Katherine / Faith / Raoul / Abigail / un personnage pas nommé dans ce cycle mais dont on sait qu’il existe-ra-).

Pour terminer, n’oublions pas l’habituel coup de chapeau à l’illustrateur Genkis, qui signe une fois encore des couvertures de toute beauté et parfaitement en accord (surtout celle du volume 2) avec les événements les plus marquants des livres concernés.

En conclusion

Sans Concession est le quatorzième et ultime tome de la saga d’Honor Harrington (la postface est tout à fait claire sur ce point : il met un terme au cycle entamé par Mission Basilic, même si l’Honorverse est loin de se limiter à ce dernier et qu’HH est déjà apparue en tant que personnage secondaire dans les cycles dérivés Saganami ou La couronne des esclaves), et il est clairement réussi, même si pas dépourvu de défauts (longueurs, réutilisation de procédés déjà employés, bataille finale à la fois prévisible et très décevante, retournement de veste assez peu réaliste d’un personnage secondaire, retournement de situation pour un des autres cassant l’impact d’une scène dramatique antérieure). Toutefois, ces défauts mineurs n’entament en rien l’intérêt considérable du reste : le combat final est certes frustrant, mais il y en aura eu trois autres avant, de 80-100 pages chacun, et tous très intéressants (surtout les deux qui sont dans le volume 1), les chats sylvestres ont un rôle encore accru, et l’immersion dans leur tête est carrément fascinante ; la psychologie d’Honor est très bien exploitée, surtout à la toute fin du livre, même si on peut déplorer un certain passage dont je ne dirai rien de plus ; le roman boucle de façon très satisfaisante l’arc solarien ; certaines scènes sont d’une puissance dramatique colossale ; il n’y a pas de manichéisme (il y a des justes chez les solariens, un côté impitoyable chez Honor, et le personnage secondaire dont je parlais plus haut illustre bien le fait qu’il n’y a ni blanc, ni noir, mais que des nuances de gris) ; enfin, il y a une vraie réflexion sur la guerre totale, les crimes de guerre, le respect des accords interstellaires / internationaux (et le fait que le chagrin et la colère -sans parler de la propagande- puissent aveugler même des gens bien et intelligents).

Je précise aussi (petit spoiler) que ce tome 14 règle seulement l’arc solarien, et que le sort de l’Alignement ne sera évoqué que dans le futur tome 4 de La couronne des esclaves d’ores et déjà annoncé, qui se déroulera immédiatement après la fin de Sans concession.

Signalons d’ailleurs qu’à ce stade du cycle, la lecture préalable des deux cycles dérivés n’est plus optionnelle mais un passage obligé, faute de quoi vous aurez du mal à comprendre certains passages qui auront l’air de débarquer de nulle part.

Ce tome 14 offre une fort digne sortie au personnage d’Honor Harrington (un des plus réussis créés en SF ces deux dernières décennies), surtout dans l’épilogue : je dirais même que la scène finale est, de mon point de vue, parfaite, et un des passages les plus justes jamais écrits par David Weber. Clap de fin pour HH protagoniste et / ou aux commandes d’une Flotte, donc, mais l’Honorverse, lui, continue ! (on espère juste qu’il continuera aussi chez l’Atalante et pas purement en VO…).

Le culte d'Apophis

Publié le 25 février 2020